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26 mai 2007

NOUVELLE N°17

7h56. Le quai est bondé. La rame de métro fait son entrée dans un bruit assourdissant et les portes de la voiture s'ouvrent devant lui.
-et merde... A peu prés 300 personnes s'entassent dans le compartiment. Il entre quand même en forçant le passage et en bousculant les plus faibles, la vieille dame qui pue à gauche et 2 enfants sac à dos de 6 kilos Pokemon sur le dos. Il se retrouve nez a nez avec une jeune femme, petit côté bourgeoise salope.
-excusez-moi, je veux bien chaque matin laisser mon minimum d'espace vital chez moi mais vous me marchez sur les pieds...
-oh! Excusez-moi...
Et merde, comment je vais pouvoir la serrer maintenant...
Il se met a regarder ailleurs et se maudit de ne pas avoir trouver plus belle répartie.
8h14. Il sort de la bouche de métro en sautant la dernière marche et s'engouffre 200 mètres plus loin sous le porche de l'immeuble numéro 24, société Adventis, sonnez la gardienne pour toute demande, pas de pubs dans la boite aux lettres merci bien.

Au début, quand ils nous ont raconté ça, on n’ y a pas cru. On a pensé a un moyen pour eux de s'insérer facilement dans notre petite troupe. Puis on est passés à autre chose puisqu’il a fallut régler le problème du placement, il n'était pas question pour eux de se retrouver a côté de P. Bateman, alors certains se sont fait plus gros qu'ils ne sont pour imposer une toute nouvelle organisation. Les nouveaux se sont retrouvés à côté de la famille Malaussène alors tout allait bien pour eux. Moi je n'ai pas ce problème, j'ai la chance d'être à part. Je m'excuse, je ne me suis pas présenté, je m'appelle… hum ce n'est pas très pertinent comme information, disons que j'ai plusieurs noms, je change d'ailleurs souvent d'allure, de villes ou de métiers, enfin bon tout ça, ça me dépasse.

Il est 17h03 et il quitte son bureau pour rentrer chez lui. Encore une journée passionnante au sein de la société Adventis. Sur le trottoir, il fait halte pour s'en griller une mais son briquet le lâche. Il aperçoit en face une femme, la quarantaine, peau de bête sur le dos et pauvre bête au bout de la laisse. Elle fume. Il s'avance d'un pas assuré et s'arrête entre deux voitures garées le long du trottoir, il a fait tomber sa clope. C'est au moment ou il se baisse qu'il sent ses cheveux se plaquer contre son visage. Il a l'air d'un con comme ça mais au moins il est vivant. Une Renault Trafic vient de passer à toute allure dans la rue et il entend déjà au loin les crissements de pneus et un cri aigu faire fuir les oiseaux. Et puis un choc sourd. Le chien de la vieille se met à aboyer et les passants forment déjà un cercle autour de la victime.
Putain ça faillit être moi !
-Bonsoir madame, excusez moi mais vous ne me prêteriez pas du feu ?
-Bizarre cette expression, je vous le donne jeune homme, faites en bon usage.
Il ne comprends ce qu'elle a voulu dire par là et la regarde courir pour s'offrir un spectacle de rue gratuit. Il tourne les talons et fuit vers le tromé.

Je me suis réveillé avec une gueule de papier froissé ce matin. J'ai des vagues souvenirs de ce qui s'est passé la veille mais c'est a n'y rien comprendre, un métro qui s'avance le long du quai, la foule qui s'accumule de plus en plus sur le quai, et moi devant comme d'habitude, qui sent dans mon dos tous ces cons qui veulent rentrer chez eux. Ils ne comprennent pas qu'ils sont en train de me pousser sur la voie. Je tombe, une dinde se met à crier d'horreur, bah ouais mais fallait y penser avant de fourrer ton gros cul dans mon dos salope. La rame arrive, le bruits de mes os qui se broient se mêle au son assourdissant du métro...

C'est en milieu de soirée qu'il s'est décidé à sortir. Il tournait en rond, zappait entre les 380 chaînes de son bouquet satellite, attrapait un livre, le reposait en ayant lu une page en diagonale, feuilletait un magazine puis allait ouvrir et fermer le frigo toutes les 2 min en ne regardant jamais attentivement a l'intérieur. C'est aussi après 2 masturbations sur des pornos roumains de mauvaises qualités qu'il décida de jeter l'éponge, il va vraiment se faire chier ce soir s'il ne se bouge pas.
C'est donc comme ça qu'il se retrouve à la table 3 du restaurant chinois en attendant la venue de son amie Nathalie. Il lui a dit au téléphone, allez viens ! J'ai trop envie d'un B6 en ce moment ! C'est ce qu'il y a de bien avec Nathalie. Elle est gentille et drôle mais, c'est un vrai boudin alors elle est tous les soirs seule chez elle. Oh elle a fini par s'y habituer, même tout bébé et petite fille c'était un laideron. Sa mère, sa propre mère ressentait quelques fois de la pitié et du dégoût pour elle. A l'école, les enfants sont toujours pleins d'imaginations, on l'appelait le monstre ou gloubiboulga. On avait l'impression que les différents éléments de son visage était placés n'importe comment sans arrivez a deviner lesquels. Mais Nathalie, 32 ans, s'en fout, enfin, elle s'y est habituée de cette laideur, mais peut-être a cause ou grâce a cela, Nathalie est la personne qui vous fera le plus rire de votre vie. Elle est con cette Nathalie.
-bon qu'est-ce qu'elle fout cette conne ?
-pardon monsieur ? Vous désirez peut-être une entrée ?
-ah euh, non je parlais tout seul excusez-moi... mais je ne suis pas seul hein, j'attends quelqu'un...
-évidemment monsieur, quand il vous plaira de commencer, faites moi un signe et je prendrais votre commande...
-merci
Une bonne grosse demi heure passe...
-Putain de merde mais qu'est-ce qu'elle fout ?
-monsieur désire peut-être enfin passer commande ? Manger seul n'est pas une honte monsieur
-ta gueule toi, je suis pas seul, mon amie est arrivée mais elle est aux toilettes là, de toute façon je t'aime pas toi, avec ta gueule de con là tu me souris depuis le début je suis sûr que tu te fous de ma gueule, t’as tout gagné mec, je... on se tire voilà.
Il se lève de sa chaise d'un bon furieux et fais tomber par la même occasion les bols de ramen des tables voisines par terre. Il a déjà traversé la rue quand sors le cuisinier, armé de son grand grand couteau et de son tablier blanc. Il aurait dû faire « gauche, droite, gauche » avant de traverser et de se faire heurter violement par Kader, 23 ans, profession livreur de pizza. Certains disent qu'il aurait pu avoir une chance de vivre s'il n'était pas sorti du restaurant avec ce couteau, mais maintenant, essayez de réintégrer la société et de trouver un emploi avec la gorge tranchée... essayez pour voir si c'est facile.

Je veux bien de temps en temps croiser des morts sur ma route mais deux en si peu de temps, ça commençait à me filer les boules. Puis y'a cette histoire que les nouveaux nous ont raconté qui a resurgi dans ma petite tête. Et si c'était vrai ? Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Une épidémie ? Je décidai d'aller bavasser avec eux pour en savoir plus ...
-hey les gens ! Alors comment ça va ?
-bien bien merci et vous ?
-pas trop mal ma foi, vous vous plaisez ici ?
-oh oui c'est pas trop mal, on s'occupe bien de nous, on est pas maltraités, on retrouve des vieilles connaissances, que demander de plus !
-c'est sur... dites moi, a propos de l'histoire que vous nous avez racontés en arrivant, je pourrais vous poser quelques questions?
-bien sur mais faites vite, nous ne voulons pas être les prochains, si nous pouvions éviter d'attirer l'attention sur nous...
-je ferai vite merci, vous pouvez m'en dire un peu plus, qu'avez vous vraiment entendu ?
-sachez qu'on ne peut rien y faire... on en recense jusqu'à présent une quinzaine, tous de différentes façon mais avec une seule et unique fatalité, un corps qui traîne au milieu d'une route !

Je repensai alors aux deux accidents auxquels j'avais participé... alors ce qu'ils disaient était vrai ?
-mais comment peut-on agir de la sorte ? C'est inhumain!
Je remerciai les nouveaux puis je rentrai la tête pleine de questions et d'inquiétude...

Les cristaux liquides verts se changent et affichent a présent 7h10 et le réveil se met à sonner. Un bras sort des couvertures, fais un mouvement circulaire à 180° et vient s'aplatir sur le réveil. C'est repartit pour 10 minutes de sommeil. Il est 7h30 quand il se décide enfin à sortir du lit.
Ouais bon bah je suis fainéant quoi.
Aujourd'hui c'est RTT et qui dit RTT dit VTT.
Et après il nous fait les PTT ?
Il enfile sa tenue moulante, remplit sa gourde d'eau fraîche et s'apprête à partir pour une petite balade dans la capitale. Il a hâte d'essayer son nouveau vélo qu'il a acheté à ce beau vendeur, il aurait pu se mettre au badminton s'il le lui avait conseillé. M'enfin, le vélo est acheté maintenant, autant en profiter.
Oh putain je suis pédé... j'en étais sur.
Il attrape son vélo et descend les escaliers de son immeuble. Monsieur Mimosa le gardien qui fait la distribution de courrier au même moment se garde bien de lui dire qu'il a l'air ridicule et que le vélo n'est pas fait pour lui. Peut-être que s'il avait ouvert sa bouche au lieu d'inspecter le courrier de Madame Oinjiejk, la bonasse du 16...peut-être...
Hum j'aime pas trop ça...
Il roule et il se dit que c'est vachement bien ces couloirs réservés aux vélos dans toute la ville. Y a bien deux trois carrefours ou il a failli perdre la vie à cause de quelques chauffards alcooliques, drogués ou aveugles mais il arrive à trouver un certain plaisir a cette balade. C'est arrivé à cité universitaire qu'il remarque cette allée de gazon en pleins milieux de la route. Elle est large et il ne lit jamais les journaux. Il se dit que ce doit être la continuité de la bande cyclable qui s'est arrêtée quelques mètres de cela et qu'il n'a pas retrouvé.
-c'est sympa y'a même des bancs tiens le long du chemin…
Il est fatigué et décide de faire une pause pour se rafraîchir, il descend de son vélo mais son pied se tort et il tombe.
-putain mais c'est quoi ça ?
Oh non ! Non !!! nooooon ! Allez relève toi !
-Quel est le con qui a foutu des rails ??
Le pied coincé dans le rail et le vélo rabattu sur son corps à cause de la chute, il peine à se relever.
C'est à ce moment qu'apparaît dans le virage le tramway. Une dizaine de mètres le sépare lui et ses 70 kilos du tramway et ses quelques tonnes.
Allez relève toi ducon ! Tu peux le faire, panique pas, concentre toi sur chaque geste !!
Le tramway klaxonne, il voit a travers la vitre les visages horrifies et alerte des passagers. Il n'entends pas leurs cris mais les devinent aisément. Il rassemble ses forces et jette le vélo au loin. Une voiture pile et klaxonne, puis une autre. Il reste maintenant à se dégager des rails. Le tramway se rapproche à toute vitesse mais il reste bloqué. Il se met à crier et lève les mains pour se protéger.
Allez mais c'est pas possible ! Pourquoi moi ? je le hais
Il peut maintenant voir les mouches écrasées contre l'avant du tram...
Les nouveaux avaient raison...et tout ça pour un concours ! Cet enculé d'écrivain raté est en train de me...
Le bruit de ses os qui se broient se mêle au son assourdissant du klaxon du tramway. 

 

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26 mai 2007

NOUVELLE N°16

L'horloge de la cathédrale sonnait les deux coups du matin. D'ordinaire, j'appréciais cet entre deux temps, où la nuit s'éclaircissait imperceptiblement pour laisser place à la nouvelle aube. La nuit tout change, odeurs, couleurs, attitudes, et même les gens. Ils se croisent le nez au vent. Plutôt qu'en berne.  Ils sont nettement différents de ceux rencontrés la journée, bougons, oppressés par le travail. Ah ! Si le soleil ne se levait pas ! Ce soir, je fais comme tous les soirs, je cherche la quiétude ; la face cachée de ma cité, la vérité sur elle. J'arpente les petites ruelles inconnues des touristes. Ma ville m'appartient comme une maîtresse et je la vis comme une passion. Que Strasbourg est belle la nuit ! D'accord, elle ne possède ni la tour Effel, ni l'arc de triomphe, ce n'est qu'une provinciale, que quelque uns - ignorants ! - fourguent sans vergogne à l'Allemagne à cause de son histoire déchirée. Et c'est vrai qu'elle a deux coeurs ! Moi aussi, ces habitants aussi. Elle n'est pas célèbre, ne résume pas le pays à elle seule aux yeux des plus riches nations, n'a pas – encore - de Zénith où contenir sa foule stressée, mais pour tout l'or  d'Arabie, je ne voudrais vivre ailleurs. Petite France, quai des bateliers, quartier des 15 et cetera. Vieille rive en face du fleuve, le Rhin, vieille patrie charmante, vieilles pierres qui parlent. Un patois germanique qui se crache, agressif, tel ses racines mais prononcé avec la ferveur et l'attachement français. Une identité propre et fière. Je flâne, je l'hume, je l'aime. Je suis peintre écrivain de profession. Spécialisé en patrimoine régional, le mien évidemment. Je suis très chauvin, soupirant, absolument ! Je suis certain déjà, je ne rentrerai pas à ce lendemain annoncé. A cette heure, il n'y a plus affluence, sauf quelques âmes égarées, avide des sensations mirifiques du silence, où simplement noctambules bohèmes à mon image. Mon langage, mes manières de romantiques désoeuvré sont indubitablement désuets. Certains méchants diraient probablement éculées, néanmoins, je suis ce que l'on peut appeler dans la rigueur moderne, un homme heureux. Je n'ai pas perdu le sens de l'essentiel, cela me suffit. Célibataire endurci, je n'ai pas l'habitude des femmes. Ca sent le pot pourri et les ordures chez moi, mais celle qui me  réchauffe parfois m'assure ; Ca sent bon. J'habite la Robertsau, une campagne urbaine, avec un parc immense tout prés. J'ai des cérémonials de vieux garçon qui la font rire. Je ressemble à Strasbourg : mûr, malgré cela, dynamique, séduisant. Les dames ne sont-elles pas sensible au rire ? Elle m'a promis de frapper à ma porte lorsque la matinée serait plus avancée. Elle dort beaucoup. C'est moi l'anormal, s'amuse-t-elle, à l'inspection de mon regard cerné. On ne me changera plus. Je badaude, à écouter, écouter toujours les murmures inaudibles remontés du passé, des légendes, alsaciennes, secrets de mamie, héritage précieusement transmis. La réalité est loin, fort loin, suspendue entre mes fantasmes et moi. J'existe.
On me bouscule. Quelqu'un court, hors d'haleine pour échapper à je ne sais quoi, je ne sais qui. Malpoli ; en proie au danger. Bête, bête traqué. La police ? Non, il est trop honnête. Le choc à l'épaule fut extrêmement rapide, cependant je pus le voir. Pas un criminel. Il n'y a que peu d'être humains véritablement assassins dessus cette planète. Il n'en fait pas parti. Un tueur, un voleur, cultive un patrimoine génétique tatoué en son visage ses yeux. Ses prunelles à lui ne se dissimulent pas. Leur émoi, leur panique, leur terreur restent monstrueusement apparentes. Il est fichu. Il en est sûr, je m'en doute. J'entends des voix. Celles de ces poursuivants, vulgaires, tonitruantes, impardonnables  de troubler une sérénité si durement acquise, sitôt remise en cause, arrachées aux griffes monotones du quotidien. Sous l'effet de l'hébétement et de l'abattement, nous nous figeons tous les deux, lui le pourchassé, moi le dilettante, l'un en face de l'autre. A une époque, il avait dû me correspondre, car je ressens une étrange alchimie entre nous. Est-ce mon frère de goût ? Comment se nomme-t-il ? Quel âge a-t-il ? Comment en est-il arrivé là ? Pourquoi y a-t-il un trou dans sa veste ? ... Quelle question idiote celle-ci ! Cet incident me ramène sur terre. Il n'y a pas de meilleur moment pour les questions stupides. Après, il sera inutile d'en poser. Ses poursuivants approchent... ils sont à notre hauteur. S'engage un dialogue ahurissant :
Rends nous not' butin raclure ! J'déteste me faire doublé !
Un pistolet à la main un des trois hommes menace la personne. Un autre intervient :
Allons, allons, Raphaël (Raphaël ?! Le prénom des justes à ce genre de type ?! Oh non; je rêve !), ne soit pas tant grossier. Nettoie ta langue, sinon je te tue en même temps que lui d'accord ?
Son acolyte, penaud :
Oui patron...
Reprenons d'une manière plus civilisée voulez-vous ? Restituez nous l'objet s'il vous plaît monsieur, c'est votre intérêt. Je hais la sauvagerie. Je préfère le travail propre. Contrairement à mes associés, qui eux, à mon grand damne, se délectent facilement à torturer un pauvre bougre. Obtempérez, un conseil.
Il récite sa tirade avec calme, élégance, d'un ton raffiné, tout droit sorti d'un siècle ancien, presque précieux, alors que leur victime est solidement rivée au mur derrière nous par une poigne à la mine patibulaire. Complètement décalé ! On se croirait personnage d'un film de gangster à petit budget ! Nul, vraiment nul... Qu'est-ce que je fabrique encore là moi ? Mon instinct crie « sauve ta peau, enfin ! Ces gars sont malades ! » Je deviens aussi grossiers qu'eux. Ah non ! Tout sauf ça ! Tais-toi, tais-toi, tais-toi...         
Comptes y et bois de la flotte. Ouïs-je répliquer l'individu harcelé.
Je suis éberlué ! « Quoi espèce d'imbécile ! Tu souhaites mourir ?! Moi pas ! Ils exécuteront les témoins. Obéis leur ! » Pensais-je, à un doigt de la syncope. Peut-être vaudrait-il mieux succomber maintenant à un crise cardiaque ?
J'te l'ai dit, avec ça j'pourrai récupérer mon épouse, elle s'est barrée par'ce que j'suis pas millionnaire. Elle veux le plus beau, avec le diamant, je s'rai milliardaire !
C'est donc ça ! Je sais mieux que jamais ma motivation à ne jamais me marier ! Cet homme incarne tout ce qui me rebute à ce propos : couardise, avilissement, dépouillement... Vive le célibat ! J'abhorre les filles et leur désinvolture ignoble de tout mon âme. Le troisième larron se bidonne grassement.
Tu crois qu'ta gonzesse elle se traînera un minable aux basques si tu lui donnes tes milliards ? Elle te les siffleras et elle se tapera un vrai mec aux Bahamas avec ouais ! Elle s'en fous d'toi connard ! Quel con ! Ha ha !
De bref hoquets fussent à intervalles réguliers ... Il pleure ! Ce gamin pleure ! Son tortionnaire a raison. Quel abruti celui-là ! Je commence à comprendre ; une banalité, scénario classique, limite stéréotypé de la bonne poire manipulée, puis trompée. Bof, pas de quoi vous exciter un mort. Je ne le connais pas, mais il m'inspire pitié. J'assiste à la scène médusé. Et à cet instant précis, je fais quelque chose de fou, d'insensé ; j'ouvre la bouche, les mots se détachent :
Excusez-moi messieurs ; puis-je bavarder avec votre prisonnier ? Il vous rétrocédera votre pierre.
Abasourdis, ils tournent tous la tête vers moi. Ils ne se sont pas aperçus de ma présence. Le chef me répond courtoisement, un sourire en coin.
Je vous en prie.
Arrêtez ce cirque, c'est trop tard. S'il vous plaît, il nous tiennent, l'unique moyen de nous en tirer, c'est la négociation. Ils nous occiront de toute façon, vous êtes à bout, soyez sage pour nous deux.
La ferme toi ! T'a rien à fiche dans c'bourbier ta geule, t'as pigé !
Il est à vif. Ulcéré, il n'en peut plus, il est en cage, sans issue. Mais c'est à ce moment que les rats sont le plus dangereux, une fois acculés. Il fait une chose totalement imprévue, il déplie un couteau de poche, qu'il projette dans ma direction. Par miracle je peux l'éviter. Un des bandits le reçoit en plein poitrail. Il hurle de douleur, le lâche. Colère, rage, écume. Nous fuyons à tout blinde. Mon agglomération ne me semble plus ni admirable ni bucolique. Je n'en perçois plus rien. Une nappe rouge me brouille la vue. Du sang. La lame m'a quand même blessé au passage. Je cours, nous courrons, ils courent, après nous. Je ne me soucie de plus rien d'autre.
Merci d'avoir créer une diversion mon pote ! C'était bien jouer !
«Son ami ?! Une diversion ?! Mon courage lui avait paru ainsi ?! » Service. Marmonne-je platement ironique.
On se sépare ici ! Bonne chance !
C'est le pompon ! Je n'ai pas le cran de rétorquer. Il bifurque. Je cours encore, constent, acharné, mes jours en dépendent. Quelle soirée ! Si j'en réchappe, je jure à n'importe quel Dieu de me convertir à la pantouflardise ! Je me changerai en casanier, promis !
Je dormirai, je ronflerai la nuit ! Accaparé par ma course et mes résolutions, je ne le remarque pas  immédiatement : ils ne me talonnent plus. Ils le chassent lui. Moi je ne suis que menu fretin ; sans importance, un hasard. Je cours, traversant la route sans discerner la voiture roulant trop vite.
Le heurt ne dure pas. Elle m'envoie valdaguer, l'occiput contre le bitume sale. Elle ne stoppe pas, ne freine pas. Elle m'écrase. Suis inconscient, n'est pas eu mal. Mes dernières idées furent pour Sandra,
ma copine de lit, puis...
« Merde, j'ai oublié la fenêtre ouverte ; la nouvelle sur mon bureau s'est assurément envolée. La s'intitulait...
Une nuitée meurtrière.
26 mai 2007

NOUVELLE N°15

L’homme sur la route

 

Il devait être 23h20 passé quand l’inspecteur MacCalloway arriva sur les lieux. Je m’en souviens car mon café était complètement froid, avec ce chien de temps, et le goût de pluie qu’il avait prit n’était pas non plus pour me plaire. Et d’ailleurs, j’étais de mauvaise humeur. Quelle idée a-t-on de réveiller les gens à une heure pareille! Et pour un vulgaire ivrogne ren­versé en plus. Bref, sur le bord de cette petite nationale campagnarde, sous cette pluie battante, avec la sirène de notre voiture de service hurlant dans la nuit, cette histoire commençait mal. Mais l’inspecteur était là maintenant, et cet inconnu aussi y était bien, et lui ne risquait plus d’avoir froid ou de se sentir trempé. Je ne sais pas si vous avez déjà vu un clebard écrasé en plein milieu de la route, qui s’est déjà fait passé dessus plusieurs fois, mais là c’était pareil. On ne peut pas blâmer les automobilistes, avec la nuit noire, en plein hiver, on ne se rend compte de rien, et le brouillard de ce soir on ne voit pas à cinq mètres. Ils ne se sont rendus compte de la présence du bonhomme qu’au moment où les roues de leur véhicule passait sur ces os et cette chair broyée. Avec les sales histoires qu’on raconte ici, personne ne serait assez fou pour s’arrêter et vérifier si c’était les restes d’un biche... ou d’autre chose. C’est la raison pour la­quelle nous fûmes assez étonnés que quelqu’un ait malgré tout signalé le cadavre. Au centrale, ils ont dis qu’on ne pouvais pas laisser l’affaire en suspens jusqu’au lendemain, au moins par respect pour cet homme qui avait pris la peine d’appeler.

Et me voila, moi, Robert «gunny bunny» Herbert, avec mon chef - que j’appelle «ma­nitou», car il a toujours réponse à tout - auprès de cette charogne puant l’alcool, à mille milles lieux de toute terre habitée, comme disais l’autre. Il est pas beau à voir. Même si sa mort ne date pas d’il y a plus de douze heure, selon le patron, il empeste quand même, à la fois la vieille viande et la mauvaise gnôle. C’était manifestement un vagabond, son velours encore plus troué que rapiécé, sa veste de grosse toile, ses épaves godillots, et son chapeau melon trop petit en attestent. Evidement, pas un papier pour nous simplifier la tâche, pas un billet de train ou de bus qui puisse nous indiquer ses derniers déplacements. En plus, le corps rongé par l’alcool depuis des années, et achevés par les pneus, ne nous révélera pas grand chose. Dans la triste et violente Lost-paradise city, les zombies alcooliques comme lui hantent les rues dès l’heure de fermeture des bars, dorment sous les ponts, se réchauffent près de braseros. Si on prenait pitié d’eux, si on leur jetait simplement un coup d’oeil, on ne pourrais plus dormir la conscience en paix, alors on les oublie, même si nos charognes finissent toujours par puer autant que les leurs. Mais le devoir impérieux nous impose de retrouver ses proches, si sa famille n’a pas simplement oublié son existence, et des les informer du triste événement, à l’occasion de leur demander d’identifier le corps. Si personne ne peut payer un enterrement, ça sera la fosse com­mune pour lui.

 

L’automobiliste qui a prévenu le central est un peu bousculé, pensez donc. Cette face de cauchemar écrasée contre la chaussée, ce corps en charpie, cette odeur infecte, c’est le genre de choses qui vous fait lever la nuit pendant des mois, quand on est pas habitué. Faut voir la tronche de notre vivant, on dirais presque qu’il est déjà passé de l’autre coté. On l’invite donc à boire un coup dans le pub le plus proche, à quelques miles de là, c’est de cet endroit qu’il a appelé. Pour le coup, il reprend des couleurs, et nous, on prend sa déposition. Il décide fina­lement, à sa septième chopine, qu’il est maintenant absolument sûr de sa version des faits. Je remballe mon petit carnet, le chef se grille une clope, et on sort, le laissant avachi sur cette ta­ble, dans ce sinistre pub enfumé, avec la note pour lui. Ca sera bien une chance s’il se souvient de quoi que ce soit en se réveillant. Mais l’affaire sera coton, on a pas la moindre information sur notre macchabé. On devra certainement écumer les bars et les bas-quartiers. On décide de toute façon que ce ne sera pas ce soir, on reprendra demain. Le patron me ramène devant chez moi, et repart seul dans la nuit.


***

Le réveil a été dur, c’est tout ce que je peux dire. Quand j’arrive au central, Cathryn m’accueille avec son habituelle indifférence. C’est encore elle qui a tout fermé hier soir, quand on est parti, et c’est aussi elle qui a ouvert ce matin, me dit-elle. Puis elle ajoute qu’elle n’est pas payé pour ça. Non, c’est évident. Elle, c’est le pot de fleur qui fait les comptes. Elle décore agréablement ce minable appartement transformé en QG de «Calloway&Herbert associated», comme inscris sur la plaque à la porte. En fait d’association, c’est plutôt un esclavage. Je suis toujours payé au lance-pierre à la fin d’une affaire, si encore le patron n’a pas dû tout donner à notre logeur, qui râle sans cesse des retard de paiements. Il faut dire qu’avec deux ou trois affaire par mois, on s’en sort difficilement, d’autant que ce sont toujours des histoires de cocus qui veulent prouver l’infidélité de leur conjoint. Le patron a sa stratégie bien rodée. Si c’est une femme qui se présente, il tente de la réconforter d’abord, et quelques temps après, il sort de ses stocks de photos prises sur le fait - mais où on ne voit jamais le visage - celle qui servira de preuve. Il en profite alors pour caser une proposition de mariage, immanquablement rejetée. Si c’est un homme qui vient se plaindre, il contacte la femme, et lui propose de la couvrir si elle accepte de sortir avec lui. Si elle refuse, il sort au mari une de ses «preuves» prise dans son fameux tiroir à preuves. J’admire mon chef.


Cathryn s’est chargée d’appeler l’hôpital hier soir, ils auront envoyer une équipe pour ramasser notre homme étendu sur la route. Quand on arrive à la morgue, le légiste a déjà fini son charcutage. Indéniablement, l’homme était un alcoolique invétéré, et si sa vie ne s’était pas brusquement terminé sur cette route, il est certain que son foie n’aurait plus tenu très longtemps. C’est du moins ce qu’il a pu apprendre des restes de l’abdomen de l’inconnu. Il n’a pas pu nous donner beaucoup de précisions sur le moment de la mort, ni sur le nombre de voiture qui lui sont passées dessus. Alors que nous prenons le chemin de la sortie, il rajoute à la sauvette: «Mais je ne m’explique toujours pas les coups derrière la tête». Et c’est maintenant qu’il nous dit ça! Nous revenons vers lui, et lui demandons ce qu’il veut dire. Manifestement, l’individu a pu recevoir une série de coups mortels, antérieurs à l’accident. Ce n’est qu’une supposition, dit-il, car l’alcool qui imprégnait la moindre parcelle de son corps empêche une interprétation claire. D’autant que les roches en bordure de la route auraient très bien pu causer ces blessures, si sa tête les avait heurté au moment de la chute. Ce qui semblait n’être qu’un vulgaire fait divers vient de s’étoffer dramatiquement. Dramatiquement, car il n’y aura certai­nement personne pour nous payer, quel que soit l’aboutissement de l’affaire.


Le chef contacte la police, qui nous avait délégué cette histoire pour ne pas avoir à se déplacer à une heure aussi tardive, et les informes des conclusions et des doutes du légiste.

 
On lui dit de venir sur place. On prend sa vieille Ford, qui malgré son âge et les divers détona­tions inquiétantes et fumées opaques qu’elle émet se tiens encore très bien. On est accueilli au commissariat par l’inspecteur en chef Stanley Kurt, inséparable de ses beignets. Je n’ai jamais su ce qui me dégoûtait le plus chez lui: l’odeur de tabac froid qui émane de lui en permanence, ou les tâches de graisses qui mouchettent son costume. Il nous entraîne dans son bureau, sans prendre la peine de nous remercier d’avoir fait le sale boulot pour lui et ses gars. Il cale son gros derrière entre les accoudoirs de son siège miteux et nous invite à tout raconter. Pour lui, l’affaire est claire: un pochtron complètement cuité se perd dans la nuit, aidé par l’alcool, une voiture le percute fortuitement alors qu’il est caché par le brouillard, et sa tête cogne le sol, provoquant ces marques. Il ponctue son discours par les crissements désespérés de son siège, écrasé par la masse de ce postérieur pachydermique. Il se relève, et nous chasse de son bureau en s’essuyant le front, nous hurlant au travers de la porte de «notifier aux personnes concernés le tragique décès». Quel porc agréable, ce commissaire.


Nous voila acculés à ce que nous appréhendions depuis le début de faire: écumer les bas-quartiers pour retrouver sa trace, et ses proches. Mais on ne se promène jamais là-bas sans rien, c’est un principe de précaution de base. On fait un tour au central, le chef attrape un petit Smith et Wesson qui traînait là, ainsi qu’un schlass. On passe ensuite chez moi, pour que je récupère mon matos. Aujourd’hui, pas de raison de prendre l’artillerie lourde, le Colt 45 res­tera donc au coffre, et je me choisis un petit semi-automatique de défense, que j’accompagne d’une matraque souple. Avec ce qu’on a pris, on devrait être en mesure de faire face à toutes les situations qui se présenteront aujourd’hui puisqu’il fait jour, la canaille ne sortant qu’à la nuit tombée. On traverse donc Little Italy et ses mafias, le ghetto où la peau des hommes est de la couleur des fumées qui sortent des usines où ils travaillent, et le quartier de Green Hill, avec ses grosses demeures luxueuses et ses voitures reluisantes. Nous voila arrivés à la rivière de boue, la Mud River, où se regroupe toute la vermine de la ville, des putes aux assassins en cavale, des poivrots aux marginaux.


Dans ce quartiers, les flics ne s’aventurent jamais, l’uniforme y est mal vu. Mais comme il y a de nombreux prestataires de services assez spéciaux, et des commerçants de choses pas très légales mais qui intéressent les riches oisifs et curieux, nous devrions pouvoir nous fau­filer sans être arrêtés par les autochtones. On doit en premier essayer de savoir qui était cette personne, et qui étaient ses proches. A priori, les gens comme lui n’ont d’autres amis que leurs camarades de bouteille. Mais difficile de savoir par quel bar commencer, tant ils pullulent dans cet endroit fangeux. On fait un rapide tour du quartier pour voir celui d’où s’élèvent les cla­meurs et les cris les plus nombreux, les odeurs les plus puissantes. Pas de doute, le «Jakarta» remporte haut la main ce petit concours, et je suis le chef alors qu’il y rentre. Le sombre inté­rieur ne reçois que peu de lumière de ses petites fenêtres aux carreaux brisés, et la salle baigne dans la puanteur de l’alcool, du vomi, et du pétrole des lampes qui brûle. Ce n’est que le matin, les clients peuvent donc encore entretenir une conversation à peu près normale, semble-t-il. Les faces sont rouges et fermées, les regards mauvais, et les âmes éloignées des attentions de Dieu.


Le chef s’assoit à une table où il reste encore de la place, et alors que l’indignation des sacs à vins alentour allait éclater, il clame d’une voix haute et claire: «Tournée générale pour moi, patron!». Et l’indignation de ces visages burinés se transforme en un vif sourire de sympathie édenté. Alors que tous se font servir, le manitou commence à questionner. Après la meilleur description qu’on puisse donner de l’homme qu’il a fallu ramasser à la truelle sur le bord de la route, nos questions commencent à trouver des réponses. Il venait très occasionnellement dans ce bar, on le connaissait de vue, mais guère plus. Personne à la table ne se considérait comme son ami, mais on entendit dire du fond de la salle que peut-être quelqu’un serait en mesure de nous informer plus que cela. Manifestement, on l’avait vu de temps en temps avec un homme étrange. Enfin, c’est ce que nous comprîmes, car ici, personne ne peut vraiment être étrange. L’homme, donc, était grand et bien sappé, avec un pardessus en gros cuir retourné et un bor­salino. A chaque fois une mallette avec lui. Ca avait fait jaser dans le milieu: un respectable alcoolique avec cet homme, c’est inhabituel. Apparemment, ils se rencontraient une fois par mois, et ça se passait toujours de la même manière. Le grand attendait à la sortie du bar, et s’éloignait en silence avec lui. Personne ne put nous en dire plus.


Alors que le chef jetait sur le zinc sale une poignée de biffetons pour payer sa tournée, je jetais un dernier coup d’oeil sur cette triste compagnie, dans ce bar putride. Qui se souciait encore d’eux? Même Belzébuth semble les avoir oublié, et ils pourrissent lentement, avachis au dessus de leurs verres, en attendant qu’il veuille bien mettre fin à tout ce gâchis insensé. Le chef m’arrache à mes rêveries, et nous sortons. D’un commun accord, nous décidons de retourner au central, pour faire le bilan. Heureusement, la voiture est intacte! Le chef est bien prudent de n’avoir que cette vieille caisse qui n’attire plus la moindre attention, mais dans ce quartier, on ne peut jamais avoir de certitude. Le Ringway nous permet de rejoindre le bureau, où nous retrouvons Cathryn en train de ruminer. Depuis que le chef lui a demandé d’arrêter définitivement ses reproches stupides, sans quoi ce serait mise à la porte, elle n’arrête plus de grincer des dents et de ruminer ainsi. Peut-être finira-t-elle par partir, comme Lynn l’avait fait avant elle. Mais le chef me fait entrer dans son bureau, et ferme la porte derrière moi.


Nous n’avons pas d’informations concrètes, mais que de points obscures. Ces marques sur le crâne du mort, ce grand homme étrange, et personne qui ne puisse nous informer, même parmi ses compagnons de beuverie. Le patron garde la tête froide, il dit que maintenant notre seul contact pourrait être cet homme. On pourrait l’attendre devant le «Jakarta» et l’interroger, mais il pourrait ne pas venir, et nous n’avons que 10 jours avant que le corps soit inhumé. Mais dans une ville aussi peuplée que Lost-Paradise, impossible d’espérer retrouver un homme que l’on a même jamais vu. Il faudrait donc explorer des pistes, savoir qui il est. Son accoutrement n’est l’apanage d’aucun gang connu, on peu même dire qu’il est tout à fait inhabituel. Ce n’est plus la mode des cuirs depuis bien longtemps déjà. Il y a certainement dans cette ville des boutiques spécialisées qui pourraient nous informer sur cet homme étrange, car il a bien fallut qu’il se fournisse quelque part! On parcours le bottin à la recherche de tailleurs. Jamais nous n’aurions pensé qu’il y en ait autant dans cette ville! Tant pis, Cathryn se chargera de les appeler pour connaître précisément leur activité, et demander s’il travaillent le cuir. Alors que nous quittons l’immeuble sous les ruminements plus furieux que jamais de Cathryn, je me grille une clope. Il fait froid, il est tard, la journée a été dégoûtante.


***

J’ai encore passé une mauvaise nuit, hantée par des faces de cauchemars, des bouges immondes, des corps sur la route, des légistes aux blouses ensanglantées... Mais on doit conti­nuer. Ce qui n’était qu’un simple accident de la route, un fait divers, commence à prendre une dimension mystérieuse, et on se sent attiré par ces énigmes sourdes qui hurlent dans l’obscu­rité. Je retrouve le patron au central, qui a un air plutôt réjoui. Apparemment, Cathryn a bien travaillé, et la plupart des tailleurs de la ville ont été rayés de notre liste. Il n’en reste plus que trois: un certain Halligan, un Rosenblum, et un Krawford, ils sont les seuls a accepter de faire des manteaux en cuir. Nous devons donc voir lequel de ces tailleurs a bien pu confectionner le manteau du grand inconnu, et trouver son identité. Le chef décide que l’on commencera par Rosenblum, le plus proche de Mud River. La vieille Ford part dans un fracas de ferraille inquiétant, et nous prenons la direction de l’échoppe. Le magasin est situé dans le quartier juif de la ville, plutôt sûr, bien que grouillant d’activité. Nous sommes bien accueilli par le petit homme au comptoir, caché derrière d’énormes lunettes. Nous nous présentons, et lui expli­quons les informations que nous recherchons. Il reste à se gratter le crâne pendant plusieurs secondes sans nous répondre, farfouillant dans sa mémoire. Il nous réponds finalement ne pas se souvenir avoir confectionné un tel manteau, mais qu’il vérifiera dans ses registres quand même. Nous lui laissons notre carte pour qu’il puisse rappeler s’il retrouve cela. Le patron lui laisse un petit billet pour le remercier de sa coopération, et nous filons vers l’établissement de Krawford.


Implanté dans le quartier des classes moyennes d’anciens immigrés irlandais qui ont réussi à s’élever socialement, la devanture verte ne manque pas d’attirer l’attention. C’est un magasin de bonne taille, employant une dizaine de personnes. A l’accueil, nous demandons à parler au patron, qui nous rejoins bien vite. Nous lui expliquons notre histoire, et demandons son aide. Il répond qu’il n’est pas facile de savoir tout ce qui est fabriqué ici, les demandes étant nombreuses, et il nous conseille de voir les employés, peut-être se souviendront-ils d’un tel ouvrage. C’est ce que nous faisons, mais sans obtenir de réponse, aucun ne se souvient avoir réalisé chose pareille. Apparemment, notre homme n’est pas passé par ici. Il ne reste guère plus que Halligan, qui n’est pas très loin. Lorsque nous arrivons à l’adresse indiquée, nous trouvons la boutique fermée. Etrange, alors que ce matin même on a répondu à Cathryn au téléphone. Pas d’horaires, pas de mot, rien qui ne puisse nous indiquer si cette situation est normale ou non. Le manitou décide de demander aux commerçants à proximité s’ils l’ont vu quitter son magasin, et quand, vers où. Personne n’a vraiment fait attention, et d’ailleurs personne ne le connaît vraiment. Halligan semble être un homme taciturne, et personne ne comprends comment il arrive à vivre, les clients étant plus que rares. Il va donc falloir tenter autre chose pour obtenir des réponses à nos questions.

Mais le patron commence à s’énerver, il en a marre de courir d’abord sur la trace d’un ivrogne, puis d’une grand inconnu, et enfin d’un tailleur. Il veut décidément accélérer le dé­nouement de cette affaire qui ne rapportera rien. On se faufile alors dans la cour de l’immeuble où est la boutique de Halligan, et le patron fracture la porte arrière. Etrange de se retrouver dans la situation d’un voleur sur le point de commettre son forfait. Le petit dépôt dans lequel nous arrivons sert manifestement à entreposer les matières premières, et quelques vieilles ma­chines hors d’usage. Nous passons dans ce qui semble être l’atelier, plutôt propre et bien or­donné, mais à l’odeur très forte. Nous inspectons chaque meuble, chaque tiroir, pour trouver un registre, une note de commande, ou quoi qui puisse nous mettre dans la voie.

 


C’est finalement moi qui tombe sur un livre de compte, mentionnant un «pardessus taille 56, en cuir retourné brun». En face, le nom de «J. Murdoch», et même l’adresse. Il semble que l’on se rapproche de l’objectif. Le patron note tout cela, remet le livre de compte à sa place, mais dérange quelques affaires et ouvre d’autres tiroirs pour faire croire à un cambriolage. Puis nos sortons, et décidons unanimement que nous poursuivrons l’enquête demain. Le patron me raccompagne chez moi et repart dans ce soleil couchant d’hiver.

***

La nuit a encore été agitée, mais pas de cauchemars cette fois. Dans mon rêve, nous poursuivions une silhouette dans les rues de la ville, et juste au moment de l’attraper, je me suis réveillé. Espérons que nous arriverons à mettre la main sur ce Murdoch, je crois bien que la journée sera consacrée à ça. Par précaution, je mets dans la chaussette un cran d’arrêt de bonne taille, et un derringer dans ma poche, c’est discret mais ça peut sauver la vie. Quand j’arrive au bureau, j’apprends que le patron a pris des dispositions similaires. On ne sait pas sur qui on va tomber, ni ce qui se passait entre notre machabé et le grand homme au pardessus de cuir. En cas de gros pépin, on a de toute façon un shotgun planqué sous la banquette arrière de la Ford. Nous avons tous deux l’étrange pressentiment qu’il va se passer quelque chose. C’est donc avec appréhension qu’on se rend à l’adresse trouvée dans le livre de compte d’un tailleur lui-même pas clair. L’immeuble est situé à la limite des anciens quartiers industriels qui ont fait faillite. Le quartier est morne, la plupart des habitants ayant aussi déserté l’endroit pour trouver du travail ailleurs. Nous ne savons pas à quel étage habite notre homme, et bien évidement les boites aux lettres sont depuis longtemps démolies, les noms illisibles. Nous procédons méthodiquement, appartement par appartement, et jusqu’au troisième étage que des logements vides laissés la porte béante. Mais au quatrième, une porte nous résiste. Qu’est ce qui peut bien nous attendre derrière?


Le chef défonce la porte d’un coup sec, et j’entre le premier, la main dans la poche prête à saisir mon arme à tout moment. Au tout premier abord, il n’y a pas beaucoup de différence avec les appartements abandonnés visités précédemment. Mais il n’y a pas de doute, quel­qu’un vit ici, au moins de temps en temps. Par on ne sait quel miracle, il y a encore de l’eau au robinet, et de l’électricité, plus de téléphone par contre. Mais concrètement, on ne trouve rien d’intéressant. Nous continuons notre exploration de l’immeuble, quand on arrive finalement au septième et dernier étage. De l’immeuble, seul l’appartement du troisième étage semble habité et habitable. Alors qu’on se plonge dans nos pensées en descendant l’escalier, un bruit nous parviens d’en bas. Quelqu’un est entré dans l’immeuble. Il va falloir jouer la discrétion et l’attraper avant qu’il ne se rende compte que son appartement a été forcé. Hélas, pas le temps d’arriver au troisième avant lui, les marches grinceraient dans un vacarme qui nous ferait im­médiatement repérer. Je chuchote au patron qu’il vaut mieux attendre que l’homme entre chez lui, et là nous pourrons lui parler. Il acquiesce d’un air dubitatif alors que nous continuons no­tre descente. Nous pouvons voir l’homme prendre l’escalier, et il porte bien un manteau brun. Nous n’avons plus guère de doute, et une sorte d’instinct nous prépare à en découdre, d’une manière ou d’une autre.

 
L’homme arrive finalement à son appartement, nous sommes alors entre le quatrième et cinquième étage, nous faisant tout petits pour ne pas être vus. Il semble alors constater l’état de sa porte, parcours la cage d’escalier des yeux, et fini par entrer chez lui. C’est le moment, nous pressons le pas et arrivons à quelques mètres de sa porte. Brutalement, la porte s’ouvre, et l’homme sort armé d’une terrible sulfateuse. Avant d’avoir simplement eu le temps d’y penser, je me jette en avant, tout en saisissant mon arme compacte. D’un coup rapide de l’avant-bras je détourne le canon de son arme, et la rafale part dans le mur. Je lui pointe immédiatement mon derringer sur le visage. Ce ne sont que deux cartouches de .32S&w, mais lui comme moi savons que dans le crâne, la mort est assurée. Mais alors qu’il semble perdre toute son énergie de combat, il m’envoie un violent coup de pied dans les parties. Je m’écroule, naturellement, aveuglé de douleur. Je comprends juste que j’ai lâché mon arme et que je suis au sol. Les bruit du combat entre mon patron et l’homme m’arrivent toujours, mais sans plus rien vouloir dire, puis enfin se taisent. Je reprends petit à petit mes esprits, même si la douleur ne s’affaiblit pas. Quand je me lève, personne n’est autour de moi, mais le sol est maculé de quelques taches de sang. Je me met finalement debout en m’aidant de la rampe, et m’avance dans le fameux appartement.


Alors que j’entre dans le salon, je trouve le patron avachi sous une fenêtre, se tenant l’abdomen une crispation de douleur sur le visage. Il a du sang sur la main et sur la chemise. Je me précipite vers lui pour examiner la blessure. Rien de très grave apparemment, c’est juste une mauvaise blessure de couteau, longue mais peu profonde, sauf que dans le gras, c’est dou­loureux. Il me fait signe d’une hochement de tête de regarder par la fenêtre. En bas, l’homme gît dans une marre de sang. Il semble remuer encore, et je le signale au patron. Il me dit les dents serrées d’aller voir, qu’il peut se débrouiller seul. Je sais qu’il se connaît, je sort et des­cend en trombe les escaliers, franchis le seuil, et m’approche de l’individu. Je ne m’étais pas rendu compte, mais c’est vrai qu’il est grand, il doit bien faire 1m90. Je m’approche prudem­ment, car il pourrait être encore armé. Mais à le voir gesticuler ainsi, il est bien trop brisé pour pouvoir se défendre. Il a l’air solide, et vivra sans problème, même s’il n’est ramené à l’hôpital que dans plusieurs heures. Je saisis mon cran d’arrêt qui n’avait pas quitté ma chaussette, lui plaque sur la gorge et commence à l’interroger.


Il confirme qu’il s’appelle bien Murdoch, John Murdoch, et qu’il a voulu sciemment nous tuer. Il pensait que nous étions des vagabonds venus lui prendre ses économies ou l’assas­siner chez lui. Ce pourrait être vrai, mais j’en doute un peu, ce quartier est trop abandonné pour que l’on puisse croire que quiconque viendrait y faire ses larcins. Alors que je lui demande d’avouer quelle était sa véritable raison de vouloir nous plomber, j’entends un bruit derrière moi, qui se rapproche. Je fais semblant de ne pas réagir, et presse Murdoch, tout en assurant la prise de mon couteau. Quand le bruit n’est plus qu’à un mètre de moi, je fais volte-face et en­tame un mouvement pour poignarder mon agresseur. Mais mon bras est arrêté dans sa course par le canon du fusil que tiens le patron, et qui ne s’attendait sûrement pas à être assassiné par son propre associé. La première surprise passée, nous nous expliquons. Alors que je question­nais le défenestré, le patron est allé chercher le fusil pour s’en servir de béquille, et éventuelle­ment pousser Murdoch à la coopération. C’est un coup de chance qu’il ait levé l’arme et arrêté mon coup, qui sinon l’aurait touché en pleine carotide, et c’en était fini de lui. Il doit avoir une bonne étoile qui a décidé que ce n’était pas son heure.

 
Murdoch continue à agiter pitoyablement ses bras brisés en nous invectivant, nous rappelant que c’est à lui que nous devons nous intéresser. Il a instinctivement compris la manière dont ça se passerait: il raconte tout ce qu’on veut savoir, en remerciement de quoi on l’amène à l’hôpital. Il sait très bien que si ses réponses ne nous plaisent pas, on le laissera gésir là, et pour toute compagnie il aura les chiens qui viendront laper son sang. Frappé de cette image bibli­que, il décide de se mettre à table. Notre accidenté de la route s’appelait Steven Koll, il était un alcoolique invétéré depuis des années. Il refusa encore de nous dire pourquoi il le rencontrait chaque mois, mais nous expliquât qu’il nous avait tiré dessus car il savait qu’on enquêtait sur lui. Il avait été averti par le tailleur, qui s’était empressé de lui rendre visite pour lui signaler qu’on le cherchait, juste après l’appel de Cathryn, ce qui expliquait qu’il n’y avait personne lors de notre visite. Il craignait les poursuites et les enquêtes car s’était un ancien taulard qui s’était alors mis à dos un ponte local, et il pensait qu’il le cherchait toujours pour lui régler son compte. Il s’était acquis la sympathie du tailleur en lui faisant la commande de ce manteau si coûteux, qu’il avait largement payé avec l’argent caché des ses vols. Mais il refusait toujours de nous en dire plus sur Koll, alors voyant qu’on obtiendrait rien de plus de lui, on l’amené malgré tout à l’hôpital. Il avait été honnête avec nous, et nous ne sommes pas des hommes à laisser agoniser une personne dans son sang, même si nous arrivons à le faire croire.


***

Je me réveille avec cette terrible douleur entre les jambes. Le salaud! On aurait du le laisser crever là, sur son trottoir, finalement! Mon petit meublé est encore plus sombre qu’à l’accoutumée, ou du moins me parait tel. Avec les mauvaises aventures d’hier, je vais jouer la précaution, quoi qu’il arrive. Dans le coin de la chambre, le coffre contient la prunelle de mes yeux, mon adorée, mon bébé. Elle s’appelle Ingrid, elle est venu au monde en 1915, marquages de l’armurerie de Springfield faisant foi. Elle m’a accompagné dans les tranchées, alors que je n’avais fêté ma majorité que depuis trois semaines. Elle se nourrit de munitions de .45ACP, et j’ai choisi pour elle les meilleures, celles à tête creuse et poudre non-corrosive. Je l’ai habillée de plaquettes de crosse en ivoire, gravées à nos deux initiales, et lui ait offert un écrin sur mesure, rembourré de velours bleu nuit. Quand je l’emporte avec moi, je la met toujours dans son holster d’épaule fait sur mesure, pour la protéger. Et trois chargeurs pleins dans un étui de ceinture permettent d’affronter les situations les plus gourmandes en plomb, me donnant un total de 36 coups à tirer. A partir de maintenant, elle me suivra partout, comme au bon vieux temps, et son pouvoir de destruction massive nous protégera de nos ennemis.

 

Quand j’arrive au central, Cathryn m’accueille comme à son habitude, et je rejoins immédiatement le bureau du patron. Il m’attendais en fumant à la fenêtre, le regard dans le vague; c’est notable, car il n’est pas souvent dans cet état là. S’apercevant de ma présence, il tire une dernière bouffée et jette son mégot. Quand il relève les yeux sur moi, il a sur le visage son expression des grands jours, il n’a certainement pas beaucoup dormi. «Petit, me dit-il, en­core que je sois le plus grand, le nom de l’accidenté que nous a donné le défenestré me disait quelque chose. J’étais certain de l’avoir déjà lu, alors j’ai mené de petites recherches cette nuit. J’ai parcouru les bottins et les journaux, tout d’abord sans rien trouver. Puis en désespoir de cause, éreinté par ces recherches infructueuses, je m’assoupissais dans mon fauteuil. C’est alors que je fis un rêve étrange: j’étais assis dans mon fauteuil, en train de chercher, mais sans trouver non plus. Au bout d’un moment, dans mon rêve, je prenais un café, exactement comme je l’avais fait plusieurs fois dans la soirée, et reposais la tasse sur la table, et c’est alors que...» et il brandit devant mon visage une coupure de journal, superbement ornée d’une auréole laissée par une tasse de café, tirée de la rubrique nécrologie, et qui annonçait la mort de mon­sieur Steven Koll. J’étais pétrifié par cela, car personne n’était censé connaître sa mort, ou personne qui ne connaisse son nom en tout cas, excepté Murdoch mais il n’avait certainement pas la tête et le moyen pour prévenir un journal.

 

Quand le patron me sortit le journal dont était tiré l’article, j’en tombais à bout de souffle sur la chaise qui se trouvait derrière moi. Il datait précisément du soir où nous avions décou­vert le corps. Impossible! A part l’automobiliste qui nous a signalé le corps, personne n’aurai pu nous «doubler». Le patron semblait lire sur mon visage mes pensées, et me regardait d’un air entendu. Mais je poursuivait mon raisonnement. Si on avait déclaré la mort de cet homme, sans avertir la police ou les secours, c’est qu’il y avait quelque chose de louche. Soit une per­sonne l’ayant connu lui a roulé dessus et s’est arrêté pour voir ce qu’il en était, mais n’a pas voulu prévenir les secours ou la police pour éviter d’avoir à étaler ses liens avec cet alcoolique, ce qui est envisageable, mais dans ce cas, pourquoi le signaler à un journal? Qui se soucie de la mort d’un ivrogne? C’était trop étrange. La seule solution qu’il reste, c’est que ce Koll était un homme à abattre, et qu’il fallait que sa disparition soit su sans que les autorités en soient alertées, ou alors le plus tard possible. Et tout correspondrait: ces traces derrière la tête, cette mort étrange si loin de la ville qu’il fréquentait, le refus de Murdoch, lui-même recherché, de parler. Mais avant de s’emporter dans les brumes du doute et de l’hypothèse, il nous faut des preuves, ou des témoignages. Mais nous avons remplie la plus grande partie de notre mission: trouver un nom à ce visage atroce étalé sur la route, et en informer ceux qui le connaissaient.

Comme nous n’avons aucun moyen de vérifier la thèse du proche qui l’aurait reconnu après l’accident, nous nous penchons vers la thèse de l’assassinat, en espérant malgré tout que ce ne soit pas ça. En toute logique, on ne pourra aller trouver d’information qu’auprès de deux personnes: Murdoch, et le journal qui a publié l’annonce de la mort. Malheureusement, Mur­doch est dans un sale état, et il lui faudra un certain temps avant de pouvoir parler sereinement. Le patron décide donc de se rendre directement au journal, le Lost Paradise Tribune. Ce n’est pas très loin, nous y allons donc à pied. Le hall d’entrée est assez magnifique, il faut l’avouer, mais ce n’est pas étonnant pour le deuxième journal de la ville, et au comptoir une hôtesse au grand sourire nous appelle à elle par de furieux clins d’oeil. Le patron s’approche, nous pré­sente, et demande où il est possible de rencontrer les personnes responsables de la rubrique nécrologique. Apparemment, la jeune femme ne s’attendais pas à cela, et son sourire se crispe légèrement, il semble bien qu’elle ne sache pas trop quoi répondre. Mais une autre hôtesse qui devait être à l’arrière nous ayant entendu nous lance d’un ton lapidaire: «Troisième étage, porte 7.». On comprend mieux pourquoi elles sont deux: une qui sait, et une qui sourit. Je suis le chef qui se dirige vers l’ascenseur, et nous descendons, comme indiqué, au troisième étage. Derrière la porte 7, un petit office de quelques bureaux, et pas plus de trois personnes. Le pa­tron s’avance vers celui qui semble le plus affairé, et nous présente. Le petit homme chauve ne réagit pas. Nous nous raclons la gorge de concert, mais sans plus d’effet. Le patron fait alors mine de sortir, mais actionne l’interrupteur. Plongé dans la pénombre, le petit homme relève la tête et prête enfin attention à nous. Une fois la lumière revenue, nous nous présentons encore une fois.


Nous revenons au central sans avoir rien appris. Personne au Lost Paradise Tribune ne se souvient de cet avis de décès, ce genre de chose étant trop négligeable pour que quiconque s’y intéresse. Le petit chauve nous a expliqué qu’il n’a fait que retranscrire une note qui était sur sa table, et que personne ne semblait avoir mis là. Nous n’avons plus guère espoir de trou­ver une piste avant que Murdoch se remette un minimum de sa chute. Mais il y a pourtant bien quelque chose que l’on puisse faire! On ne va pas rester les bras croisés, m’insurge-je à haute voix. Le patron, d’un nature plus patiente, hausse les épaules. Mais une idée me traverse la tête. S’il y a meurtre, comme on en a conservé l’hypothèse, il y a arme! Il faut retourner voir le corps, savoir si on peut identifier ce qu’on va devoir chercher. Le patron me regarde d’un air étonné, il semble qu’il n’y ait pas pensé. Il faut dire qu’il est plus tenté par l’argent que rap­porte une affaire que par la punition des criminels et le rétablissement de la vérité. Nous filons donc à la morgue, et trouvons le légiste. A l’annonce de nos doutes, il prend un air ahuri. Il sa­vait déjà que le mort s’appelait Steven Koll, puisque quelqu’un est venu identifier le corps, et a décidé de s’en occuper, une entreprise de pompes funèbres étant venu embarquer le corps la veille. Ouch! Il semble bien qu’on ait affaire à forte partie, si c’est une organisation criminelle. Mais le légiste semble rire sous cape, et nous explique que c’est une dame assez chic qui est venu, et pas un des molosses de la mafia. Nous allons vérifier nous-même.

Evidement, on ne peut pas emporter un cadavre comme ça, il faut signer quantité de papiers et de formulaires, et cette fois-ci n’a pas échappé à la règle. On apprend donc que Johnson&Johnson est venu chercher le corps, avec l’adresse et le téléphone de l’entreprise. Nous traversons toute la ville et arrivons enfin au petit magasin situé dans les anciens quartiers. L’homme sombre au teint pâle qui nous reçoit ne semble pas très causant, et fait passer «la confidentialité et la discrétion garantie à ses clients» avant le devoir d’aide à notre enquête. Mais le chef ne l’entends pas de cette oreille là. Il a une piste, et ce n’est pas ce misérable employé blafard qui se mettra en travers de sa route. Mais le croque-mort ne semble pas de caractère à céder, et le ton monte. Je décide d’intervenir, et dégaine Ingrid. Evidement, le pâle personnage se calme immédiatement. Lui qui a enterré tant de personne, il n’aimerait pas qu’on l’enterre avant l’heure, et il a l’expérience des résultats de la balistique sur les tissus mous. C’est en traînant les pieds qu’il nous emmène dans la chambre froide où il conserve les corps en attente. Koll est là, rien qu’à l’odeur nous le sentons en entrant, et le croque-mort lui-même semble indisposé. Il nous explique qu’il devra tout laver après, et que ça lui fera encore du travail supplémentaire. Ayant commencé à ouvrir sa bouche, il semble qu’il ait des difficultés à la fermer maintenant, et exprime son étonnement quand au fait que quelqu’un ait décidé de prendre en charge ce corps, en plus un «client très bien», ajoute-t-il.

 

Nous examinons l’arrière du crâne, et retrouvons les fameuses marques dont nous avait parlé le légiste. Ca ressemble à des empreintes de livre, aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est en tout cas quelque chose d’étroit et long, assez lourd. Nous ne voyons pas trop ce que ce pourrait être, mais le croque-mort vient nous prêter main forte. Pour lui, pas d’erreur, c’est un coup de crosse de pistolet. Il tire Ingrid de l’étui sans me demander la permission, et applique le talon de l’arme sur le cou du mort. Pas de doute possible, c’est bien cela. Je reprends précipi­tamment mon arme, et l’essuie avant de la rengainer. Il semble bien que la thèse de l’assassinat soit la seule qui puisse tenir, maintenant. Mais le corps sera bientôt inhumé, et le croque-mort nous explique qu’en aucun cas il ne peut laisser s’ébruiter qu’il n’a pas respecté «la confidenti­alité et la discrétion», donc pas de possibilité de constater les marques. Ca va être une gageure: retrouver les preuves indiscutables du meurtre sans le corps. Mais un énorme problème sub­siste: qui prends en charge le cadavre? Le patron et moi semblons penser la même chose au même moment, et nous tournons vers le maître des lieux. Il refuse de nous communiquer le nom ou l’adresse de son client, c’est un principe de la maison. Cette fois-ci, rien n’y fera, il ne cédera pas, et nous quittons le sinistre endroit en soupirant. La journée ayant été suffisamment fatigante, nous décidons de nous quitter. Les morts et les vivants pourront attendre jusqu’à demain, qu’on trouve un sens à tout cela.


***


J’ai étonnamment bien dormi, par rapport à la journée que nous avons passé hier. Une fois dans le bureau du patron, nous commençons à nous creuser la tête pour savoir où, et quoi, chercher maintenant. La voie qui s’ouvrait à nous, pleine de promesse, a été brutalement re­fermée par le secret professionnel inébranlable de notre dernier interlocuteur. Alors que nous tournons en rond en cherchant la solution à notre intrigue, Cathryn entre l’air timide. «De mon bureau, j’ai entendu votre conversation, dit-elle, et sans vouloir vous apprendre votre métier, il me semble bien facile de retrouver le commanditaire de l’enterrement». Nous la fixons tous deux, partagés entre un profond scepticisme et un grand espoir. «Il sera très certainement à l’enterrement». Et la révélation nous tombe au coin de la tronche: notre secrétaire a plus de bon sens que nos deux cerveaux réunis. Le patron, rouge de honte, l’invite à retourner à sa paperasse, et à nous laisser réfléchir à cela. Après avoir récupéré de cette humiliation cuisante, nous commençons à raisonner: l’enterrement est à une date connue de nous, dans deux jours, nous avons donc amplement le temps de nous préparer à cette rencontre. La question sera de savoir comment approcher la personne. En principe, elle ne nous connaît pas, il ne devrait pas y avoir de problème, mais si elle est accompagnée, ou si elle fuit, il faut prévoir des plans de secours. A la fin de la journée, nos têtes, devenues lourdes et douloureuses, nous rappellent à l’ordre, et le patron me raccompagne à mon petit appartement dans sa vieille Ford cahotante.


***


Nous passons la journée du lendemain à ne rien faire, si ce n’est ressasser les éléments de l’enquête, et refaire le point sur les plans que nous avons prévus pour rencontrer «le com­manditaire». Cette personne, apparemment riche, et suffisamment importante pour vouloir conserver l’anonymat, devrait pouvoir nous en apprendre plus, et faire avancer cette affaire qui commence vraiment à devenir incompréhensible. On retrouve un clochard écrasé sur la route, on nous demande de retrouver ses proches pour faire identifier le corps, ce qui nous mènes aux bas-fonds de la ville. On y apprends qu’il avait un contact avec un inconnu étrangement habillé. On retrouve le tailleur, et par effraction nous découvrons l’adresse du «contact», qui vit dans le no man’s land de la friche industrielle. Tombant sur lui à l’improviste, nous risquons de nous faire tuer, mais à la suite de la fusillade il chute par la fenêtre. Je le retrouve en bas, et manque de poignarder le patron. Il nous crache le morceau: le nom du clochard. Alors que nous suspectons que notre accidenté ne l’est peut-être pas tellement que cela, nous apprenons que le corps a été retiré de la morgue. Nous rendant à l’office de pompes funèbres, nous recevons la confirmation du meurtre. Et nous y voilà, à devoir retrouver, à l’enterrement, la personne qui a payé ses obsèques.


***

Aujourd’hui: le grand jour. Enfin, il ne devrait rien se passer d’extraordinaire, mais du fait que ce soit notre dernière piste, et que ça fait deux jours qu’on attend ce moment, on ap­préhende cette rencontre. C’est aujourd’hui un triste vendredi matin, et le crachin assombri le marbre des tombes. Nous nous sommes posté à l’entrée du cimetière, et attendons maintenant que le corbillard passe. Il est suivi de deux voitures noires aux vitres fumées. Ce genre de voiture fait parfois parti de la prestation pour l’enterrement, mais il ne serait pas étonnant que ce soit plutôt la propriété de notre mystérieux commanditaire. Nous suivons de loin le cortège funèbre, et nous arrêtons en même temps qu’eux, et finissons notre approche à pieds. Dès que les visages sont reconnaissables, le patron prends des photos, ça pourrait servir plus tard. Après quelques dizaines de minutes de recueillement, nous nous approchons. Le groupe est formé d’une belle femme en pleurs, accompagnée de près par une sorte de nabot binoclard et d’une dame de compagnie, et cinq gorilles à l’air particulièrement patibulaire qui se tiennent en retrait. A vrai dire, nous nous attendions à quelque chose comme cela, et tout est prévu.


Sur un signal, Cathryn sort de la Ford du chef et nous rejoint. Chacun de nous lui prend un bras, et nous faisons mine de rejoindre ostensiblement la tombe. Le cimetière est désert, et notre mouvement ne manque pas d’être remarqué. Le nabot chuchote à l’oreille de la dame, qui tourne la tête pour nous regarder. On peut lire sur son visage l’étonnement se rajouter à l’affliction, et ses pensées se bousculer dans sa tête. Elle semble hésiter, puis vient à notre rencontre, suivit de près par ses gardes du corps. Nous avons fait semblant jusqu’à présent de ne pas porter notre attention sur elle, mais maintenant, à une telle distance, il ne s’agit plus de faire semblant, aussi sommes nous profondément surpris quand la dame se précipite, furibon­de, sur Cathryn et lui met une claque. Pendant un instant, nous restons paralysés de cet acte, et les gorilles aussi, mais très vite, tous tentent de séparer les deux femmes. Une fois le calme revenu, les «explications» commencent.

 

Elle se présente, manifestement sous un faux nom, Iris Glencut, s’excuse très vague­ment, mais reprend sa charge verbalement. Elle prétend que Cathryn, qu’elle n’a jamais vu, c’est certain, a un sacré culot de venir ici maintenant, et que si elle n’avait pas à se cacher, elle aurait payé ce geste. Mais petit à petit, sa colère baisse, et le chagrin du décès, et la honte de ce comportement commence à refaire surface. Les gardes du corps se sont écartés, et fument dans un coin, nous ayant considéré comme inoffensifs, et de toute manière ils semblent assez peu habitués à protéger cette patronne. Elle finit par s’asseoir sur une tombe, effondrée. Cathryn, touchée par cette femme, se met à coté d’elle et commence a essayer de la réconforter, et nous assistons impuissant à la pathétique scène. Puis peu à peu, Iris commence à parler.

 

«Je sais qui vous êtes, et je crois que je peux vous faire confiance. Je ne peux plus sup­porter ce fardeau, je vais vous révéler toute notre histoire. Je m’appelle en réalité Mary Porter, et je suis la femme du baron de la pègre, Luigi Vercotti. Pendant son premier emprisonnement, il a connu Steven Koll, celui que je pleure aujourd’hui, et il lui avait fait excellente impression. Aussi, quand mon mari sortit de prison, il dit à Steven qu’il aurait toujours une place pour lui. Quand Steven fut libéré à son tour, il alla donc voir mon mari, qui lui proposa un poste de majordome, qu’il accepta. Mais comme mon mari était toujours ailleurs, pour ses affaires, je restait souvent seule dans notre résidence, et Steven était mon principal interlocuteur. Il était agréable, mais surtout attentif avec moi, tout ce que n’était pas mon mari. Assez vite, je me pris de passion pour cet homme, avec qui je discutait pendant des heures.»

   
«Mais je savais cette liaison impossible, aussi mon esprit avait toujours le dernier mot sur mon coeur, même s’il m’en coûtait des larmes.»


«Mais un bel après-midi de printemps, alors que nous buvions le thé sous la pergola, l’air était frais, le soleil perçait au travers de la végétation reprenant vie, Steven m’avoua sa flamme. En un instant, mon esprit se troubla, mon coeur s’embrasa, et je succombait à cet amour interdit. Nous nous aimions de tout notre être, mais nous devions faire semblant quand Luigi était là. Mais à la suite d’un accident, il dut rester longtemps à la maison. Mais nous ne pouvions renoncer à nous voir, Steven et moi, pendant le temps que mon mari serait là, et nous élaborions sans cesse des plans de plus en plus compliqués, pour se voir de plus en plus longtemps. Mais Luigi, qui a la jalousie et la suspicion dans le sang, commençait à suspecter quelque chose. Il nous fit surveiller, et me retenait autant qu’il pouvait pour voir si je résistait. Mais il eu en assez peu de temps la certitude que je lui était infidèle. Dans un premier temps, il renvoya Steven, et lui et moi étions bien trop passionnés pour pouvoir essayer d’empêcher ce licenciement d’une manière qui ne nous trahissait pas. Mais malgré mon isolement, nous trou­vâmes tout de même moyen de nous voir. Luigi, apprenant cela de ses sbires qui m’épiaient nuit et jour, entra en rage, et il fit renforcer la sécurité de la résidence, m’enfermant dans une prison dorée que même notre amour ne pouvait forcer.»

 

«Mais Steven n’était pas un homme sans ressources, et par un de ses amis de prison, John Murdoch, celui que vous avez envoyé à l’hôpital, nous avons réussi à correspondre mal­gré tout. Pendant quelques années, nous avons pu continuer ainsi, mais chacun de notre coté, nous dépérissions. Les lettres étaient bien insuffisantes, quelle que puisse être leur longueur. Steven sombra dans l’alcoolisme, et ma santé était déclinante, je perdais toute joie de vivre. Mon mari, me voyant dans cet état, me fit faire une cure en montagne, il y a plusieurs semai­nes de cela. Je résistais avec les quelques forces qui me restait, mais je ne voulais pas lui faire suspecter que je pouvais encore avoir la moindre relation avec Steven. Je n’était pas ici quand la suite des évènements est arrivé, mais je crois parfaitement savoir ce qui s’est passé. Steven, ne recevant plus de nouvelle de moi, tomba dans un désespoir encore plus grand, et alla peut-être même imaginer que les plus grands malheurs m’étaient arrivés. Il quitta la ville, qui avait été le cadre de notre passion tragique. Dans le même temps, je suppose que Luigi, en fouillant mes affaires, a réussi à mettre la main sur notre correspondance. La folie s’empara de lui, et il ordonna que Steven soit retrouvé et tué.»

 

«Puis je revins a Lost Paradise, et Murdoch me fit savoir qu’il ne retrouvait plus Steven. Prise de désespoir, je croyait qu’il avait trouvé une autre femme, qui aurait pu lui donner mieux que cet amour à distance. Et les sbires de Luigi parcouraient toujours la ville à la recherche de Steven, ratissant chaque rue, chaque bar. Mais il était déjà loin, emporté par le chagrin, me croyant morte ou perdue à jamais. Et finalement, les sbires de mon mari le retrouvèrent. Mur­doch réussi à entendre dans les discutions des hommes de main que le travail avait été effectué. Il savait malheureusement de quoi il s’agissait, et en informa un journal. Et c’est ainsi que j’ai appris la mort de mon amour. Vous savez la suite, je me suis chargé de lui offrir des obsèques décentes, c’est le moins que je puisse faire, moi qui n’ai pas su lui faire partager ma vie et mon amour... pour toujours.»

 

Et là, sous cette petite pluie, comme des larmes céleste, assise sur le marbre, ses mains dans les nôtres, elle alla rejoindre le seul qu’elle ait jamais aimé.

25 mai 2007

NOUVELLE N°14

La bonzaï bleue !

Lorsque l’on traverse le chemin de Pleya une sensation étrange vous parcours le long du corps. Une de ces sensations indescriptibles qui vous donnent froid dans le dos et vous tordent de douleur. Les villageois racontent qu’il y a de cela des années un homme prénommé Orico s’était fait tuer par sa tante qui désapprouvé sa relation quelque peut ambiguë avec un ami. En effet, Orico au-delà de son métier, de sa passion pour les bonzaïs aux feuilles bleues et de sa philosophie, pensait que l’Homme pouvait être attiré par les deux sexes.

Ce chemin, Orico le connaissait dans les moindres détails. A sa naissance, sa mère y avait accouché, à 15 ans il s’y était ouvert la jambe droite sur un rocher, à 18 ans il eu son premier baisé et à 21 ans il y rencontra Kels, son ami. Kels, passait souvent à cet endroit pour se rendre à son travail. Un jour, alors qu’il s’était mit en retard à cause de son petit frère Oraco et lui c’était croisé sous un soleil de plomb. Les affinités se sont très vite crées et leur amitié était si forte que chaque nuit, ils se rendaient au clair de lune pour s’endormi, certes ensemble, mais surtout pour avoir comme dernière image le visage de l’autre.

Au bout, de quelques années les deux jeunes hommes commencèrent à avoir des sentiments, bien plus intenses, de part leurs réflexions chamboulées et la mise en éveille de la jalousie. Orica et Kels étaient tombés amoureux. Tous les deux, à la fois surpris et rassuré dans un sens décidèrent de se promettre l’un envers l’autre de ne rien dévoiler car comme le dit si bien les vieux conservateurs, l’amour est unique de part le sexe et le nombre des amants.

Malheureusement, alors qu’Orico regagnait par habitude son « bien aimé » sa tante mesquine, aigrie et bien trop curieuse se mit à le suivre pour connaître les raisons de toutes ces escapades. Caché dernier un tronc d’arbre la « vieille bique » scruta l’horizon en le regardant avec ébullition et l’intention d’apprendre son secret. Et quel secret ! Orico ignorant la bassesse de sa tante récita un poème à son compagnon dont les phrases était claires et précises quant à leur relation.

Avec toi !
Je suis un végétal
Aux odeurs sentimentales
Et m’envole, pétale en main,
Vers le ciel.

La vieille n’en revenait pas se demandant pendant quelques minutes si son âge ne lui avait pas joué un tour. Mais lorsque la bouche de son neveu toucha celle de l’autre dégueulasse sa colère et ensuite son dégoût la rendit toute rouge. En murmurant elle répéta : Demain je les tues ! Demain notre famille retrouvera sa dignité.

C’est ce qu’elle fit le lendemain. Alors que Kels se rendit à son travail avec des nuages sous les pieds et qu’Orico l’accompagnait, elle se jeta, la main en avant empoignant un couteau afin de trancher l’entre jambe des deux sales. Prit par surprise les deux amoureux succombèrent à leur blessure comme elle en avait décidé, avec en elle l’intime conviction d’avoir accompli un acte juste.

Aujourd’hui, on se souvient de pas chose car ont passé depuis cette histoire des centaines d’années. Cependant, on se souvient de part les peintures, que depuis la mort des deux jeunes hommes, le chemin c’est terni et seul un bonzaï aux feuilles bleue a prit place.

24 mai 2007

NOUVELLE N°13

Mauvaise journée


Voilà, 20h57, va bientôt falloir que je parte. Ils doivent commencer à s’impatienter à la maison. Putain, c’est pas ma faute si la nouvelle direction a réduit le personnel. Déjà que je trimais comme un malade... et pas plus de vacances! Saloperie, je me demande pourquoi j’ai choisi cette boîte. Mais c’est bientôt fini maintenant. Rapport de merde va! Et voilà, c’était le point final. Quand je pense que j’en ai encore pour au moins une heure de transport. Mais quelle idée on a eu d’aller dans les nouvelles banlieues. Le loyer prétendument plus intéressant? Mon cul, oui! Bon vite, mon imper, et je file. Le PC veut pas s’éteindre, tant pis. Et je suis dégoûté, l’ascenseur est en panne! Mais quelle jour de merde! Je vais devoir me taper les escaliers. Heureusement que je ne suis qu’au septième étage, encore.

Bon, je suis dans la rue. Mais il fait nuit noire, et les lampadaires marchent pas. Ca arrive de temps en temps, mais pourquoi ça tombe aujourd’hui? C’est vraiment une journée pourrie, je le savais dès ce matin, quand je me suis renversé le café sur la cravate et la chemise. J’ai eu le droit à une réprimande en règle, évidement j’étais en retard. Mais là ça continue. Bon, encore quelques minutes de marche et je serais arrivé au métro. Putain, mais qui c’est ce guignol! Ca doit être un des wesh-wesh qui traînent dans le quartier. Saloperie, putain, il fait exprès de me barrer la route! Je crois que je vais devoir lui expliquer: «Je suis vraiment pas d’humeur, j’ai eu une mauvaise journée. Allez, laisse moi passer». Ca y est, il commence à me bousculer. Merde, y a sa bande qui se radine. Sales vermines, vous pouvez pas foutre la paix aux gens! Oups, merde, je crois que je ne l’ai pas seulement pensé...

Je suis au métro, mais dans quel état! Ils m’ont tout pris, ces merdes: mon portable, mon GSM, mon porte-monnaie, mon porte-feuille, ma montre, mon imper, ma serviette, ma veste, et même ma ceinture. J’ai pas croisé de miroir, mais je dois avoir une sale gueule. Je dois avoir des côtes de pété, aussi. En me réveillant, j’avais la tronche dans mon sang, c’est pas bon signe. Je sais pas combien de temps je suis resté comme ça, mais apparemment il est tard: le métro met du temps à venir. Aye! Putain, c’est quoi cette douleur! C’est dans le dos, je peux pas voir. Je vais passer ma main. Merde, on dirait qu’ils m’ont lacéré le dos avec un schlass, j’ai la main couverte de sang. Faudrait que je prévienne quelqu’un, je peux pas rester comme ça. Mais non, y a ma famille qui doit s’inquiéter. Il est peut-être très tard déjà.

Finalement, aucun métro n’est passé. Je suis allé à la gare à pied. Les quelques passants, louches, que j’ai croisé m’ont regardé bizarrement. Il est deux heures du matin passé, en fait, et il n’y a plus de train depuis un moment. Je peux quand même pas rentrer d’ici à la maison à pied, y a plus de dix kilomètres! Mais quelle autre alternative j’ai? J’ai plus un rond sur moi, donc pas d’hôtel, et je vais quand même pas dormir dans la rue? Et mes plaies commencent à me cuire, je me sens fiévreux. J’ai la tête qui tourne à trop penser. Que va dire ma femme? Et les enfants? J’ai vu Nicole deux trois fois, et ma femme m’a suspecté. Mais bon, j’ai arrêté définitivement depuis, je tiens bien plus à elle et aux enfants qu’à cette aventure passagère. Mais faut bien décider que faire maintenant? Se mettre en route, ou dormir ici? Bon, tant pis, je vais marcher.

En suivant les rails, je suis arrivé à la gare de ma ville, mais le soleil commence déjà à pointer le bout de son nez à l’horizon. J’ai les jambes complètement brisées, et en chemin j’ai du me fouler une cheville. Enfin, je suis pas docteur non plus, mais ça fait mal quand je m’appuis dessus, donc je boite. Je dois vraiment pas être beau à voir. Mais je suis presque à la maison, plus qu’un petit effort. Je suis dans ma rue, je peux voir ma maison, la fenêtre de la cuisine est allumée. Ma femme m’aurait-elle attendu toute la nuit? Me voila devant chez moi, mais je ne sonne pas pour ne pas réveiller les enfants. Il suffit de passer au dessus de la haie, et je suis dans le jardin, mais avec mes blessures, ce n’a pas été si facile. Patou, notre chien, me reconnaît et me fais la fête. Ca y est, me voila de retour! Quel bien ça fait de retrouver son petit chez soi, ses enfants, sa tendre moitié.

J’entre par la porte arrière qui est rarement fermée à clé et me dirige vers la cuisine, ou ma femme m’attend certainement, dévorée d’inquiétude. Mais alors que j’écarte le rideau de la cuisine, elle écarte les jambes. Elle a trouvé de la compagnie, en fait. Un grand brun s’occupe d’elle, allongée sur la table de la cuisine. Et c’est cette catin qui me suspectait! Chienne! Sal0pe! Voila comment tu m’accueilles après une journée pareille? Et toi, connard, bas-toi! Je vais lui apprendre, à ce fils de putain, à baiser ma femme! Un grand coup de tranchoir dans la nuque pour commencer! Et toi, catin, t’aime ça? Tiens, on va voir si on te trouve toujours aussi attirante sans ta tête! Il est où le couteau à désosser déjà? Tiens, le voila. Ca ne fait que commencer, mes chers amants!!!

Mais qu’ai-je fait? Mon Dieu, mais qu’ai-je fait? Je ne peux pas y croire, ce n’est pas moi qui ai fait ça. Mais pourtant, je m’y revois encore, et mes mains... mes pauvres mains... elles sont couvertes de sang. Je peux plus vivre. Je ne peux pas le supporter. Maintenant, moi aussi il faut que je meurs. Quitter cette maison... quitter cette ville... quitter cette Terre... dehors, vite, dehors, dehors, dehors... la nationale... le camion...

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23 mai 2007

NOUVELLE N°12

Il se promnenait dans la rue. Sa loutre, Meufine, planté dans son dos lui fit savoir que quelques amuse-gueules ne serai pas de trop . Il nu aucune reaction, apart celle de la cacher discretement dans sa poche. Une poche tres confortable dailleurs, la ou Meufine cachait tout ses, Trucs.
La repression des animaux deambulait sur le trottoir d'en face, exhibant fierement leurs matraques a filet et leurs kepis de fourures érigés vers le ciel. Leurs rondes quotidiennes rassuraient les passants, qui le mois dernier avaient été surpris par une invasion de rats volants. Beaucoup avaient perdus leur yeux, ou bien quelques cheveux, qui allaient renforcés les defenses de ces rongeurs pour leur habitat.
Un de ces specimens, fit une apparition, nonchalement sorti d'un lampadaire. Tous les yeux présent l’attraperent et quelques bouches, crierent , au ratttttt !!! Meufine , monta sur l'epaule. Elle comprenait un peu le francais, enfin seulement un jour sur deux. Pourquoi ?? ca elle ne le savait pas. En tout cas ,la, elle compris, et reconnu d'un coup d’oeil de loutre son ami d'enfance. Elle se dit « Mais ? Ce rat Volant ? c'est mon ami N° 67 898 » Ils avaient passé beaucoup de temps ensemble ,le long de leur enfance, à ronger du bois rien que pour le plaisir.
67 898 emboita le pas a de coup de vent ascendant. La Brigade quand a elle ,engagea la procedure habituelle qui consistait à contacter le QG qui joignerai aussi vite que possible une autre brigade pour en prevenir une autre afin de debusquer un nid. Un travail de rat, comme leur proie. Mais n’etaient ils pas finalement leur propres proies ? Le chef du service se le demandait souvent en se comtenplant. Peu etre essayait il de vaincre quelque un de ses démons, en tuant, le rat . Mais ne nous eloignons pas, car 67 898 et à pleine vitesse de croisiere. Il s'est fait reperé et, maintenant chassé. Chassé ? Oui chassé par le QG volant de la brigade de repression. Sous le coup de la pression 67 898 ne se rend pas compte qu'il les menent la ,ou sa femme et ces 233 progeniture l'attendent pour le diner.
67 898 ne connait pas le francais. Il faut une oreille finement eguisé pour traduire le rat, et les francais qui y arrivent ne le peuvent qu'un jour sur deux, hors on est le 18, donc la c'est un peu la galere. Voila ses quelques pensées ( qui sont libres de droit car les rats ne lisent pas la constitution , ils la mangent) Jugez par vous meme. <Put1jailefeuokudesaracepeupalestracerserapprochentsuifaipeupubougerput1kcafaimal> ……
Meufine ,dans sa poche, élabore un plan de sauvetage pour son ami. Ces trucs lui servent, hum , mais le plan ne pourrait fonctionner sans ce que ,seul, une loutre sait !
Chercher l'inspiration, se dit elle ,avant que minuit ne sonne, et que...
La nuit commence a remplir d'inconnu les flash bleutés produit par ce que son maitre appelle, "un television" ? Dans la cuisine, le conduit d'aeration pourra surement, lui permettre de contacter quelques informateurs. Elle a des petis trafiques avec des rats marchands pour s'echanger des TRUCS. Des choses que nous ne comprenons pas ! Parcontre nous saisissons sa detresse lorsqu’elle s’apercoit que le tabouret placé ici la vielle fait maintenant parti d’un jour revolu. Pas d’inquietude les loutres, Les Vrais Loutres, ont toujours aimés l’action. Si elle prend appuie sur se machin que son maitre tourne pour alimenter du feu elle pourra , oui, ouiiii elle y croit, elle le fait meme. Bon elle a touné le machin mais c’est pas grave, elle est civilisé, elle sait un tas de choses. C’est bon elle s’accroche, ca sent bizarre, surement l’odeur des rats qui l’attendent. Ca y est Presque ,ouiii, « je le savais, hey hey ,je suis une loutre apres tout »
Minuit sonne. L’apartement s‘innonde de gaz. Son esprit se vide. Une allumette se craque. Du bruit. Du chaud. Une loutre prend son envole, expulsé de ce conduit par la pression des flammes. Le periph lui ouvre les bras.
Elle aime voler, glissant sur l‘air, ca lui rapelle son enfance.
Planer, l’air lui glisse entre les pattes , c’est deja moins rassurant.
Quand a la suite….
Son maitre n‘a pas bougé, hors ses cendres batifolent . Seul le Television, intacte, a resisté a la chaleur de ce que meme une loutre peut produire. La Ben’z qui s’est encastré dans la piece, dieu seul sait coment, est la ! Comme je suis la, entrain d’ecrire ses quelques lignes, mort par cette Ben’z que jamais mes souvenirs ne pourront effacer.
FIN

23 mai 2007

NOUVELLE N°11

La représentation

Une peinture musicale flotte au milieu des astres, comme ce mort au milieu de la route. Tout était organisé et cela devait être un moment de plaisir. Mais voilà, le tournage a mal fini et la ballerine en a fait autant. Boom ! Le clash !

Quelques heures après sa déchéance une foule vient à se créer autour de la défunte et tous se mirent à se pencher au dessus de son corps afin d’apprécie son dernier pas chassé. Le metteur en scène rempli d’amertume et les figurants en pleine réflexion se disent que la mort, au-delà d’être une torture, c’est aussi un virus qui ne distingue pas les âges. En effet, la jeune ballerine qui n’avait pas encore touché les étoiles de même qu’elle ne les avait jamais vu, peut aujourd’hui se dire que la vie est comme une toile sur laquelle les gens se battent pour peindre dessus. Vivre pour survivre, vivre jusqu’à l'extinction la plus totale.

Le jour NOIR est arrivé ! Cria soudainement un vieil homme en se jurant que la prochaine fois se sera sans doute lui. Il faut croire que rien n’est prévisible et la danseuse en avait conscience car elle aurait très bien pu ne pas accepté ce premier rôle afin d’en finir sur des jours plus heureux. Cependant, au fond elle brûlé l’envie d’être sur la devant de la scène et d’avoir enfin la reconnaissance qui lui était du.

Son cadavre alors allongé sur le sol attirait l’attention, de part ses jambes et ses bras disloqués, sa bouche empli de sang et ses yeux… Ses yeux étaient malheureusement ou heureusement grands ouverts lors de l’impact, contemplant le ciel, qui, en ce jour n’a pas dénié s’éclaircir. Tout est triste même le trottoir d’en face qui est sali pas des giclés de lave en fusion et d’éléments indentifiables. C’est une scène horrible, c’est une peinture musicale d’un cadavre.

Les cris, il n’y en a presque pas eu. Cela a été clair et rapide. Un moment de pur abattoir où la jeune fille c’est fait dépossédé de son souffle de vie en un éclair. La gloire n’est qu’un passage. Il suffit d’une seconde pour que les applaudissements se finissent.

Une représentation qui est allé au-delà du script échappant ainsi à tout contrôle. La jeune ballerine l’aura eu son moment de gloire. Elle peut en être fier.
 

 

19 mai 2007

NOUVELLE N°10

* Le corps d’un homme est étendu sur la route *


Xavier: « Yoann ! Yoann ! Merde Yoann ! Non ce n’est pas possible, tu n’es pas mort !  »

Yoann : « Mais non abruti je ne suis pas mort … Aide moi donc à me relever au lieu de chialer … »
Mais, pourquoi je n’arrive pas à bouger … Puis pourquoi cet idiot ne m’entend pas …
Mon Dieu mais qu’est ce qui m’arrive ? Ou plutôt qu’est ce qui m’est arrivé ? 
Puis déjà qu’est ce qu’il fait la lui ? Je suis sur qu’il m’a encore suivi … Ce minable a toujours été jaloux. Cela fait un moment que je me suis rendu compte qu’il me suivait partout. C’est un sous-fifre dans ma boîte donc il serait normal que je le croise au boulot … mais j’ai l’impression qu’il est toujours derrière moi, en particulier quand je conclu de grosses affaires avec des clients importants.
Par contre cela n’explique pas pourquoi  il me file à longueur de journée : 
  • A la gym, où je passe pas mal de temps à sculpter ce corps de rêve.
  • A la bibliothèque, aux Musée et aux Expo, où j’entretien mon immense culture et mes collections personnelles.
  • Dans les bars, , restaurants et autres boîtes où j’emmène mes innombrables conquêtes.

Non ce n’est pas possible …  ma Porsche est détruite !!! Ca y est je comprend … C’est lui, c’est cet espèce d’enfoiré qui a du me pousser avec ça Volvo de merde …Je n’arrive pas a y croire il est tellement envieux de moi et de ma vie qu’il n’a pas pu le supporter et a décider de me tuer …Mais je ne veux pas mourir moi, je suis trop, jeune, trop beau, trop intelligent et trop riche pour mourir … Mais que quelqu’un fasse quelque chose !!!

Ah voilà enfin un policier : « Monsieur l’agent aidez moi, cet espèce de dégénéré essaye de me tuer ! Arrêtez le et appelez une ambulance ! »
‘Tain lui non plus ne m’entend pas c’est vrai …
Mais pourquoi il s’approche de l’autre malade ? Pourquoi, il lui sert la main ? Je n’y crois pas !

Xavier: « Agent Xavier Schwarz, Affaires Financières …le type par terre était l’objet de mon enquête en raison de malversations dans sa boîte …Mais j’aurais tout aussi bien pu le refiler à pas mal de collègues :
  • Aux narcotiques vu le nombre d’hormones et autres drogues qu’il s’envoyait à la gym :
  • Aux fraudes étant donné la provenance de la quasi totalité des œuvres et autres ouvrages rassemblés dans ses collections secrètes.
  • Aux mœurs, car quand il était lassé des putes, il n’hésitait pas à droguer de jeunes, voir très jeunes garçons pour les attirer chez lui et les y soumettre à toutes ses perversions.

Enfin, bref même si je doute qu’il s’agisse d’un simple accident, je n’ai pas envie de me frotter aux clients de cette raclure pour savoir lequel à saboter sa voiture de frimeur. 'Tain et dire que je suis aller jusqu'à coucher avec lui pour savoir jusqu'où il était pourri ...
Il peut bien crevrer, ce n’est pas une grosse perte. »

* Le coroner emporte le corps sans vie *

17 mai 2007

NOUVELLE N°9

Le manipulé

    Quoi de plus banal qu'un mort?
Et pourtant, c'est bien un comme ça qu'il voyait, le Bouboule. (Bouboule était un con pas fini avec des dents pourrie du chocolat encore en train de verrouiller l'asticot jaune). Ben oui, il était au beau milieu de la route; et il avait pas peur qu'une voiture passe (dessus sur lui).
Il s'approcha, avec de l'appréhension. Il eut pendant, une fraction de seconde la tentation de le fouiller pour de l'argent, mais un frisson le parcouru aussitôt. Il se senit souffrir comme au moment de la mort du mort. D'ailleurs, il eut un flash. "Ne restez pas là! Vous gênez le tournage!"

17 mai 2007

NOUVELLE N°8

T’in comme j’ai mal. Purée c’est fou, je croyais qu’une fois mort on ne sentait plus rien. Mort ? Ai-je dis mort ? Comment ça, en fait ?
« Allez les gars, allez encore une fois ! Ne le lâchez pas ! Placez les électrodes… Manu, t’es prêt ? Un, deux, trois ! ».

C’est bon les mecs, c’est bon avec vos électrochocs, ça secoue comme pas possible, ça me fait mal, okey ? Et puis bon, c’est bon, j’suis finit là. Je le sens, aucune idée à quoi je reconnais la mort mais je le sais, c’est comme ça. Ah ! Ils l’ont remarqué aussi, Manu et compagnie. De toute manière, un piéton fauché par un camion, faut avouer qu’il n’y avait pas non plus beaucoup de change que je survive. Oh, ne faites pas cette tête, c’est bon. C’est fou, c’est moi qui suis mort et c’est eux qui tirent la tronche. C’est bon les mecs, c’est pas une grande perte de toute manière, j’étais déjà finit avant, hein.

Il est quelle heure, en fait ? Hahaha, j’suis trop con. J’suis mort et j’me demande quel heure il est, j’suis trop con ! N’empêche, j’aimerais bien savoir. Il faudrait que quelqu’un informe l’avocat de mon absence. Ce n’est pas que l’avocat m’importe. Mais il y a Juliette, aussi. Et Juliette, désolé mais Juliette, on ne la fait pas attendre. Elle a beau être mon ex-femme, elle reste tout de même la femme la plus respectable que je connaisse. Et la plus canon aussi. Et la plus intelligente. Oh putain, ça me fait presque mal de savoir que j’vais pas pouvoir aller la voir. Pourtant je me suis dépêché, un peu trop peut être, sinon le camion m’aurait vu traverser la route. Eh, je dois être le seul homme qui profite du procès de son divorce pour aller voir sa femme.

C’est que je l’aime encore, aussi. Purée. C’est ça, être mort ? Faire le bilan ? Les bilans, ça n’a jamais été pour moi. Déjà au boulot, quand je devais faire des rapports de ceci ou de cela, je demandais à Pierrot de les faire pour moi. C’est juste con qu’il ait fallu en faire de plus en plus et que ça a finit par se faire savoir. Bon, de toute manière, Pierrot il s’en foutait, c’est le genre de gars qui était un intello au lycée, tu sais, le genre casse couille. Moi je m’en tapais aussi, c’est Juliette qui a flippé. Bon, c’est pas pour ça qu’elle a voulu divorcer. Enfin, c’est aussi à cause de ça. Mais pas seulement. Non ! Juliette, elle est trop classe pour divorcer juste pour une histoire d’incapacité bilancière.

C’est qu’il y avait aussi cette toute petite histoire d’alcool. C’est pas que je suis alcoolo, non ! Juif tant qu’à faire ! C’est juste que voilà, je suis français, j’aime le bon vin. Et pour les bonnes choses, je ne compte pas. Je ne compte ni le prix ni le nombre de bouteilles. Mais Juliette, elle ne comprend pas ça. Je lui ai expliqué pourtant. Ce n’est pas qu’elle soit sotte ! C’est que simplement que c’est une femme, je pense que c’est pour ça. Je ne suis pas sexiste ni rien mais voilà, les femmes ne peuvent pas tout comprendre. La femme de mon pote José par exemple, elle n’a pas pu comprendre non plus que de s’amuser avec une jeune de temps en temps, ce n’est pas tromper. C’est ça, les femmes. Elles sont plus intelligentes que nous, les hommes, mais il y a des choses pour lesquelles, vraiment, elles n’ont pas de compréhension.

Et puis quand elle a appris que j’ai perdu toutes nos économies au casino, là elle a vraiment perdu les pédales. Tout à coup elle m’a reproché tout et surtout n’importe quoi. Qu’elle en avait marre de tout faire seule, qu’après 5 ans de chômage elle ne comprenait pas que je ne cherche toujours pas de travail, qu’elle voulait de nouveau vivre. Alors ça surtout, je ne l’ai pas compris.
Et puis c’est allé vite, elle est partie. J’aurais bien aimé la suivre, lui dire Juliette je t’aime, reste, mais elle est allée chez sa mère et là franchement, je ne pouvais pas la suivre.
Après 7 ans de mariage quand même, ça me crève le cœur. Surtout que Juliette, c’est vraiment la femme de ma vie.

Et là je suis mort. Pauvre con. Tu la verras plus, ta Juliette, ‘pourra même pas lui dire adieu, et puis je t’aime, et puis toutes ces choses là quoi. Tu vois, ma vie, elle est toute bossue mais si y a un truc que j’ai réussi, alors c’est ça, c’est d’épouser Juliette. D’un autre côté, ça m’arrange de crever. Ou d’être crevé, j’en suis plus à ça prêt, hein ! Comme ça, je n’aurais pas besoin de refaire ma vie. Sans elle, de toute manière, ça vaut pas le coup franchement, ça vaut pas le coup.

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