NOUVELLE N°17
7h56. Le quai est bondé. La rame de métro fait son entrée
dans un bruit assourdissant et les portes de la voiture s'ouvrent devant lui.
-et merde... A peu prés 300 personnes s'entassent dans le
compartiment. Il entre quand même en forçant le passage et en bousculant les
plus faibles, la vieille dame qui pue à gauche et 2 enfants sac à dos de 6
kilos Pokemon sur le dos. Il se retrouve nez a nez avec une jeune femme, petit
côté bourgeoise salope.
-excusez-moi, je veux bien chaque matin laisser mon minimum
d'espace vital chez moi mais vous me marchez sur les pieds...
-oh! Excusez-moi...
Et merde, comment je vais pouvoir la serrer maintenant...
Il se met a regarder ailleurs et se maudit de ne pas avoir
trouver plus belle répartie.
8h14. Il sort de la bouche de métro en sautant la dernière
marche et s'engouffre 200 mètres plus loin sous le porche de l'immeuble numéro
24, société Adventis, sonnez la gardienne pour toute demande, pas de pubs dans
la boite aux lettres merci bien.
Au début, quand ils nous ont raconté ça, on n’ y a pas
cru. On a pensé a un moyen pour eux de s'insérer facilement dans notre petite
troupe. Puis on est passés à autre chose puisqu’il a fallut régler le problème
du placement, il n'était pas question pour eux de se retrouver a côté de P. Bateman,
alors certains se sont fait plus gros qu'ils ne sont pour imposer une toute
nouvelle organisation. Les nouveaux se sont retrouvés à côté de la famille
Malaussène alors tout allait bien pour eux. Moi je n'ai pas ce problème, j'ai
la chance d'être à part. Je m'excuse, je ne me suis pas présenté, je m'appelle…
hum ce n'est pas très pertinent comme information, disons que j'ai plusieurs
noms, je change d'ailleurs souvent d'allure, de villes ou de métiers, enfin bon
tout ça, ça me dépasse.
Il est 17h03 et il quitte son bureau pour rentrer chez lui.
Encore une journée passionnante au sein de la société Adventis. Sur le
trottoir, il fait halte pour s'en griller une mais son briquet le lâche. Il
aperçoit en face une femme, la quarantaine, peau de bête sur le dos et pauvre
bête au bout de la laisse. Elle fume. Il s'avance d'un pas assuré et s'arrête
entre deux voitures garées le long du trottoir, il a fait tomber sa clope.
C'est au moment ou il se baisse qu'il sent ses cheveux se plaquer contre son
visage. Il a l'air d'un con comme ça mais au moins il est vivant. Une Renault
Trafic vient de passer à toute allure dans la rue et il entend déjà au loin les
crissements de pneus et un cri aigu faire fuir les oiseaux. Et puis un choc
sourd. Le chien de la vieille se met à aboyer et les passants forment déjà un
cercle autour de la victime.
Putain ça faillit être moi !
-Bonsoir madame, excusez moi mais vous ne me prêteriez pas
du feu ?
-Bizarre cette expression, je vous le donne jeune homme,
faites en bon usage.
Il ne comprends ce qu'elle a voulu dire par là et la regarde
courir pour s'offrir un spectacle de rue gratuit. Il tourne les talons et fuit
vers le tromé.
Je me suis réveillé avec une gueule de papier froissé ce
matin. J'ai des vagues souvenirs de ce qui s'est passé la veille mais c'est a
n'y rien comprendre, un métro qui s'avance le long du quai, la foule qui
s'accumule de plus en plus sur le quai, et moi devant comme d'habitude, qui
sent dans mon dos tous ces cons qui veulent rentrer chez eux. Ils ne comprennent
pas qu'ils sont en train de me pousser sur la voie. Je tombe, une dinde se met
à crier d'horreur, bah ouais mais fallait y penser avant de fourrer ton gros
cul dans mon dos salope. La rame arrive, le bruits de mes os qui se broient se
mêle au son assourdissant du métro...
C'est en milieu de soirée qu'il s'est décidé à sortir. Il
tournait en rond, zappait entre les 380 chaînes de son bouquet satellite,
attrapait un livre, le reposait en ayant lu une page en diagonale, feuilletait
un magazine puis allait ouvrir et fermer le frigo toutes les 2 min en ne
regardant jamais attentivement a l'intérieur. C'est aussi après 2 masturbations
sur des pornos roumains de mauvaises qualités qu'il décida de jeter l'éponge,
il va vraiment se faire chier ce soir s'il ne se bouge pas.
C'est donc comme ça qu'il se retrouve à la table 3 du
restaurant chinois en attendant la venue de son amie Nathalie. Il lui a dit au
téléphone, allez viens ! J'ai trop envie
d'un B6 en ce moment ! C'est ce qu'il y a de bien avec Nathalie. Elle est
gentille et drôle mais, c'est un vrai boudin alors elle est tous les soirs
seule chez elle. Oh elle a fini par s'y habituer, même tout bébé et petite
fille c'était un laideron. Sa mère, sa propre mère ressentait quelques fois de
la pitié et du dégoût pour elle. A l'école, les enfants sont toujours pleins
d'imaginations, on l'appelait le monstre ou gloubiboulga. On avait l'impression
que les différents éléments de son visage était placés n'importe comment sans
arrivez a deviner lesquels. Mais
Nathalie, 32 ans, s'en fout, enfin, elle s'y est habituée de cette laideur,
mais peut-être a cause ou grâce a cela, Nathalie est la personne qui vous fera
le plus rire de votre vie. Elle est con cette Nathalie.
-bon qu'est-ce qu'elle fout cette conne ?
-pardon monsieur ? Vous désirez peut-être une entrée ?
-ah euh, non je parlais tout seul excusez-moi... mais je ne
suis pas seul hein, j'attends quelqu'un...
-évidemment monsieur, quand il vous plaira de commencer,
faites moi un signe et je prendrais votre commande...
-merci
Une bonne grosse demi heure passe...
-Putain de merde mais qu'est-ce qu'elle fout ?
-monsieur désire peut-être enfin passer commande ? Manger
seul n'est pas une honte monsieur
-ta gueule toi, je suis pas seul, mon amie est arrivée mais
elle est aux toilettes là, de toute façon je t'aime pas toi, avec ta gueule de
con là tu me souris depuis le début je suis sûr que tu te fous de ma gueule, t’as
tout gagné mec, je... on se tire voilà.
Il se lève de sa chaise d'un bon furieux et fais tomber par
la même occasion les bols de ramen des tables voisines par terre. Il a déjà
traversé la rue quand sors le cuisinier, armé de son grand grand couteau et de
son tablier blanc. Il aurait dû faire « gauche, droite, gauche »
avant de traverser et de se faire heurter violement par Kader, 23 ans,
profession livreur de pizza. Certains disent qu'il aurait pu avoir une chance
de vivre s'il n'était pas sorti du restaurant avec ce couteau, mais maintenant,
essayez de réintégrer la société et de trouver un emploi avec la gorge
tranchée... essayez pour voir si c'est facile.
Je veux bien de temps en temps croiser des morts sur ma
route mais deux en si peu de temps, ça commençait à me filer les boules. Puis
y'a cette histoire que les nouveaux nous ont raconté qui a resurgi dans ma
petite tête. Et si c'était vrai ? Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Une
épidémie ? Je décidai d'aller bavasser avec eux pour en savoir plus ...
-hey les gens ! Alors comment ça va ?
-bien bien merci et vous ?
-pas trop mal ma foi, vous vous plaisez ici ?
-oh oui c'est pas trop mal, on s'occupe bien de nous, on
est pas maltraités, on retrouve des vieilles connaissances, que demander de
plus !
-c'est sur... dites moi, a propos de l'histoire que vous
nous avez racontés en arrivant, je pourrais vous poser quelques questions?
-bien sur mais faites vite, nous ne voulons pas être les
prochains, si nous pouvions éviter d'attirer l'attention sur nous...
-je ferai vite merci, vous pouvez m'en dire un peu plus,
qu'avez vous vraiment entendu ?
-sachez qu'on ne peut rien y faire... on en recense
jusqu'à présent une quinzaine, tous de différentes façon mais avec une seule et
unique fatalité, un corps qui traîne au milieu d'une route !
Je repensai alors aux deux accidents auxquels j'avais
participé... alors ce qu'ils disaient était vrai ?
-mais comment peut-on agir de la sorte ? C'est inhumain!
Je remerciai les nouveaux puis je rentrai la tête pleine
de questions et d'inquiétude...
Les cristaux liquides verts se changent et affichent a
présent 7h10 et le réveil se met à sonner. Un bras sort des couvertures, fais
un mouvement circulaire à 180° et vient s'aplatir sur le réveil. C'est repartit
pour 10 minutes de sommeil. Il est 7h30 quand il se décide enfin à sortir du
lit.
Ouais bon bah je suis fainéant quoi.
Aujourd'hui c'est RTT et qui dit RTT dit VTT.
Et après il nous fait les PTT ?
Il enfile sa tenue moulante, remplit sa gourde d'eau fraîche
et s'apprête à partir pour une petite balade dans la capitale. Il a hâte d'essayer son nouveau vélo qu'il a
acheté à ce beau vendeur, il aurait pu se mettre au badminton s'il le lui avait
conseillé. M'enfin, le vélo est acheté maintenant, autant en profiter.
Oh putain je suis pédé... j'en étais sur.
Il attrape son vélo et descend les escaliers de son
immeuble. Monsieur Mimosa le gardien qui fait la distribution de courrier au
même moment se garde bien de lui dire qu'il a l'air ridicule et que le vélo
n'est pas fait pour lui. Peut-être que s'il avait ouvert sa bouche au lieu
d'inspecter le courrier de Madame Oinjiejk, la bonasse du 16...peut-être...
Hum j'aime pas trop ça...
Il roule et il se dit que c'est vachement bien ces couloirs
réservés aux vélos dans toute la ville. Y a bien deux trois carrefours ou il a
failli perdre la vie à cause de quelques chauffards alcooliques, drogués ou
aveugles mais il arrive à trouver un certain plaisir a cette balade. C'est
arrivé à cité universitaire qu'il remarque cette allée de gazon en pleins
milieux de la route. Elle est large et il ne lit jamais les journaux. Il se dit
que ce doit être la continuité de la bande cyclable qui s'est arrêtée quelques
mètres de cela et qu'il n'a pas retrouvé.
-c'est sympa y'a même des bancs tiens le long du chemin…
Il est fatigué et décide de faire une pause pour se rafraîchir,
il descend de son vélo mais son pied se tort et il tombe.
-putain mais c'est quoi ça ?
Oh non ! Non !!! nooooon ! Allez relève toi !
-Quel est le con qui a foutu des rails ??
Le pied coincé dans le rail et le vélo rabattu sur son corps
à cause de la chute, il peine à se relever.
C'est à ce moment qu'apparaît dans le virage le tramway. Une
dizaine de mètres le sépare lui et ses 70 kilos du tramway et ses quelques
tonnes.
Allez relève toi ducon ! Tu peux le faire, panique pas,
concentre toi sur chaque geste !!
Le tramway klaxonne, il voit a travers la vitre les visages
horrifies et alerte des passagers. Il n'entends pas leurs cris mais les
devinent aisément. Il rassemble ses forces et jette le vélo au loin. Une
voiture pile et klaxonne, puis une autre. Il reste maintenant à se dégager des rails.
Le tramway se rapproche à toute vitesse mais il reste bloqué. Il se met à crier
et lève les mains pour se protéger.
Allez mais c'est pas possible ! Pourquoi moi ? je le hais
Il peut maintenant voir les
mouches écrasées contre l'avant du tram...
Les nouveaux avaient raison...et tout ça pour un concours
! Cet enculé d'écrivain raté est en train de me...
Le bruit de ses os qui se broient se mêle au son
assourdissant du klaxon du tramway.