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Comlive
17 mai 2007

NOUVELLE N°8

T’in comme j’ai mal. Purée c’est fou, je croyais qu’une fois mort on ne sentait plus rien. Mort ? Ai-je dis mort ? Comment ça, en fait ?
« Allez les gars, allez encore une fois ! Ne le lâchez pas ! Placez les électrodes… Manu, t’es prêt ? Un, deux, trois ! ».

C’est bon les mecs, c’est bon avec vos électrochocs, ça secoue comme pas possible, ça me fait mal, okey ? Et puis bon, c’est bon, j’suis finit là. Je le sens, aucune idée à quoi je reconnais la mort mais je le sais, c’est comme ça. Ah ! Ils l’ont remarqué aussi, Manu et compagnie. De toute manière, un piéton fauché par un camion, faut avouer qu’il n’y avait pas non plus beaucoup de change que je survive. Oh, ne faites pas cette tête, c’est bon. C’est fou, c’est moi qui suis mort et c’est eux qui tirent la tronche. C’est bon les mecs, c’est pas une grande perte de toute manière, j’étais déjà finit avant, hein.

Il est quelle heure, en fait ? Hahaha, j’suis trop con. J’suis mort et j’me demande quel heure il est, j’suis trop con ! N’empêche, j’aimerais bien savoir. Il faudrait que quelqu’un informe l’avocat de mon absence. Ce n’est pas que l’avocat m’importe. Mais il y a Juliette, aussi. Et Juliette, désolé mais Juliette, on ne la fait pas attendre. Elle a beau être mon ex-femme, elle reste tout de même la femme la plus respectable que je connaisse. Et la plus canon aussi. Et la plus intelligente. Oh putain, ça me fait presque mal de savoir que j’vais pas pouvoir aller la voir. Pourtant je me suis dépêché, un peu trop peut être, sinon le camion m’aurait vu traverser la route. Eh, je dois être le seul homme qui profite du procès de son divorce pour aller voir sa femme.

C’est que je l’aime encore, aussi. Purée. C’est ça, être mort ? Faire le bilan ? Les bilans, ça n’a jamais été pour moi. Déjà au boulot, quand je devais faire des rapports de ceci ou de cela, je demandais à Pierrot de les faire pour moi. C’est juste con qu’il ait fallu en faire de plus en plus et que ça a finit par se faire savoir. Bon, de toute manière, Pierrot il s’en foutait, c’est le genre de gars qui était un intello au lycée, tu sais, le genre casse couille. Moi je m’en tapais aussi, c’est Juliette qui a flippé. Bon, c’est pas pour ça qu’elle a voulu divorcer. Enfin, c’est aussi à cause de ça. Mais pas seulement. Non ! Juliette, elle est trop classe pour divorcer juste pour une histoire d’incapacité bilancière.

C’est qu’il y avait aussi cette toute petite histoire d’alcool. C’est pas que je suis alcoolo, non ! Juif tant qu’à faire ! C’est juste que voilà, je suis français, j’aime le bon vin. Et pour les bonnes choses, je ne compte pas. Je ne compte ni le prix ni le nombre de bouteilles. Mais Juliette, elle ne comprend pas ça. Je lui ai expliqué pourtant. Ce n’est pas qu’elle soit sotte ! C’est que simplement que c’est une femme, je pense que c’est pour ça. Je ne suis pas sexiste ni rien mais voilà, les femmes ne peuvent pas tout comprendre. La femme de mon pote José par exemple, elle n’a pas pu comprendre non plus que de s’amuser avec une jeune de temps en temps, ce n’est pas tromper. C’est ça, les femmes. Elles sont plus intelligentes que nous, les hommes, mais il y a des choses pour lesquelles, vraiment, elles n’ont pas de compréhension.

Et puis quand elle a appris que j’ai perdu toutes nos économies au casino, là elle a vraiment perdu les pédales. Tout à coup elle m’a reproché tout et surtout n’importe quoi. Qu’elle en avait marre de tout faire seule, qu’après 5 ans de chômage elle ne comprenait pas que je ne cherche toujours pas de travail, qu’elle voulait de nouveau vivre. Alors ça surtout, je ne l’ai pas compris.
Et puis c’est allé vite, elle est partie. J’aurais bien aimé la suivre, lui dire Juliette je t’aime, reste, mais elle est allée chez sa mère et là franchement, je ne pouvais pas la suivre.
Après 7 ans de mariage quand même, ça me crève le cœur. Surtout que Juliette, c’est vraiment la femme de ma vie.

Et là je suis mort. Pauvre con. Tu la verras plus, ta Juliette, ‘pourra même pas lui dire adieu, et puis je t’aime, et puis toutes ces choses là quoi. Tu vois, ma vie, elle est toute bossue mais si y a un truc que j’ai réussi, alors c’est ça, c’est d’épouser Juliette. D’un autre côté, ça m’arrange de crever. Ou d’être crevé, j’en suis plus à ça prêt, hein ! Comme ça, je n’aurais pas besoin de refaire ma vie. Sans elle, de toute manière, ça vaut pas le coup franchement, ça vaut pas le coup.

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