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17 mai 2007

NOUVELLE N°7

PLAISIR SOLITAIRE


Martin Dubonnet est un homme qui aimait beaucoup. C’est un homme qui consacrait son temps au bonheur.

Détrompez-vous si vous croyez qu’il vous accorde la moindre importance.
En fait, Martin ne vous aime pas. Pire, vous l’indifférez. Vous n’êtes qu’une poussière dans son œil, une écharde dans son pied. Vous n’existez pas dans son regard, vous n’êtes qu’une ombre dans son champ de vision.
Mais peut-être devriez-vous faire un peu connaissance avoir lui…histoire que vous puissiez comprendre à quel genre de personne vous avez affaire…

Martin est né à Paris dans un cadre familial plutôt aisé. Dés son plus jeune age, ses parents lui offrirent tout ce qui semblait nécessaire à son évolution : jouets, vélo, livres, console … Cependant, ils se révélèrent incapable d’offrir à leur fils ce dont il avait le plus besoin : de l’amour. Du vrai, du concentré, du démonstratif. Alors Martin choisit d’ignorer l’amour. Le sentiment. Ces mots-la lui devinrent totalement étrangers. Certes, il connaissait leur existence, leurs symptômes. Mais ils semblaient distants, très distants.
Loin de fuir le genre humain, il se contenta de l’observer. Tel un scientifique, il refusait tout lien avec les gens mais en restait cependant proche. Il disséquait leurs émotions, leurs actions. Se délectait de les voir s’enfoncer dans leur propre ignorance, se laisser submerger par leurs émotions. Oui, Martin était seul. Mais Martin était heureux.

Et puis, il y eut Sofia. Sofia était une de ces filles qui respirait le bonheur. Elle n’était pas belle ou laide. Elle était juste elle-même. Et elle se prit d’une passion folle pour Martin. Avec elle, il découvrit les joies du sexe. Ce n’est guère étonnant. Après tout, Martin était un homme, un être fait de chair. Et aussi heureux qu’il soit d’être seul, il avait aussi ses envies. Et puis Sofia était très persuasive. Elle avait le rire facile même si sa vie ne l’avait pas toujours été. Plutôt facile à vivre même si leur couple connaissait parfois des hauts et des bas. Oui, Sofia aimait Martin, aussi fort qu’elle le pouvait. Et non contente de pouvoir dire « je l’aime », elle pouvait aussi se vanter de dire « je le comprends ». Sans vouloir faire dans le stéréotype ou le déjà-vu, Sofia était la fille qu’il fallait à Martin. Elle avait les meilleures intentions envers lui. Elle le comprenait, savait anticiper ses réactions. Et quand elle échouait, elle savait identifier ses méprises et les corriger. Et puis surtout, elle avait plus d’amour qu’il n’en fallait à lui donner. L’amour et la possibilité de construire une relation aurait du faire d’eux le couple parfait.
Seulement, Martin, lui, ne l’aimait pas. Ce n’est pas qu’il ne pouvait pas, ou qu’elle n’était pas assez bien. C’est juste qu’il ne voulait pas. Martin avait appris à vivre tout seul, à s’aimer tout seul. Bref, Martin estimait qu’ « à deux, c’est bien, mais tout seul c’est mieux ».
Leur relation dura ainsi trois ans. Et puis Sofia se lassa. De son caractère, de lui, de tout ! Ce n’est pas qu’elle n’était plus amoureuse de lui. Au contraire. Mais elle ne voulait pas rester à ses cotés si lui ne voulait pas d’elle dans sa vie. Un matin , elle partit sans un bruit. Elle récupéra ses affaires, et lui laissa un mot écrit avec un stylo bon marché sur la table de la cuisine.

« Martin, je suis partie. Je ne reviendrais pas. Bonne continuation. Sofia. »

Il ne protesta pas, ne tenta pas de la rattraper. Il savait qu’il aurait suffi de quelques mots pour qu’elle revienne. Tout comme il savait qu’elle était sa seule chance de bonheur. Mais il la laissa partir.


Et il continua sa petite vie. Boulot, métro, dodo. Alors bien sur, Martin était toujours un homme. Et Martin avait toujours des envies sexuelles. Mais Martin avait une main droite et un cerveau. Le tout combiné lui permettait une sexualité solitaire plus que satisfaisante. Et parfois, une femme partageait sa vie pour quelques jours, semaines, mois. Certaines traversaient son quotidien sans faire de vagues. Et d’autres n’hésitaient pas à lui chambouler le cerveau sans lui demander son avis. Mais, à la fin, la même pensée demeurait. Tout seul c’est toujours mieux.

Un matin, il croisa Sofia au supermarché. Elle s’était mariée avec un chef d’entreprise. Elle était heureuse. Ils s’aimaient. C’était banal, certes. Mais un bonheur simple reste un bonheur, non ? Une seconde, il se demanda « Et si … ??? ». Puis, il continua son chemin. Et pourtant, la encore, il lui aurait suffi d’un mot. Il le savait. Et pourtant.

Martin, sa main droite, et ses activités de loisir diverses continuèrent leur route. Et un soir, tout changea. Sa vie entière fut bouleversée par l’intervention d’une femme.
Plus exactement de la voiture de cette femme. Qui, après un dérapage bruyant, renversa Martin, causant des dommages irréparables au niveau de la colonne vertébrale. Qui elles-même provoquèrent une paralysie de la partie supérieure du corps de Martin.
Et Martin devint un assisté. En permanence aidé par une infirmière. Il restait un homme, avec ses envies et ses désirs. Avec ce refus total d’accepter quelqu’un dans sa vie. Avec ce besoin permanent de satisfaire ses pulsions sexuelles les plus intenses par la masturbation. Seulement, Martin n’avait plus ni contrôle sur sa main droite, ni sur sa vie. Il n’était pourtant pas condamné au malheur. S’il l’avait souhaité, il aurait pu rencontrer quelqu’un, faire sa vie avec. C’eut été difficile, certes. Mais pas impossible. Mais Martin ne le souhaitait pas. Alors Martin se tua. Il sortit de chez lui, un matin, vêtu d’un pyjama et se jeta du haut d’un pont. Et c’est ainsi que des passants le trouvèrent, mort, en plein milieu de la route.

Sofia se chargea de l’enterrement. Elle fut d’ailleurs la seule à y assister. Les rôles étaient renversés. L’humanité se vengeait d’avoir toujours été renié par Martin. A présent, c’était elle qui le rejetait.


Oui, Martin Dubonnet était un homme qui s’aimait beaucoup. C’était un homme qui consacrait son temps a son propre bonheur. 

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