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Comlive
17 mai 2007

NOUVELLE N°6

Cette année-là, il n’y eut pas de printemps pour Marnie . La pire année certainement dans la vie de Mark Arnold Kaplan, Marnie pour les intimes…
C’en était fini de son histoire avec Rebecca, celle avec qui il avait commencé à connaître les joies matrimoniales, celle avec qui il pensait finir le reste de ses jours .
Jeune avocat, il avait rencontré Rebecca au procès Paradine, qu’elle suivait en tant que journaliste stagiaire pour le New Yorker. Ce fut le coup de foudre, ils s’étaient sentis immédiatement enchainés l’un à l’autre, retenus par une corde aussi invisible qu’indestructible, leur semblait-il, un amour plus fort que tout…
Ils avaient quitté rapidement New York et leurs obligations professionnelles et s’étaient offert une lune de miel anticipée. Ils firent le tour du monde, et chacun fit découvrir à l’autre les lieux paradisiaques dont il rêvait : ils firent halte pendant quelques temps dans une auberge à la Jamaique, où , le soir, ils sirotaient du rhum brun en regardant le coucher de soleil sur l’océan… Après une courte aventure malgache, Vienne leur offrit en Europe le chant du Danube et le rythme de ses valses ; Marnie fit partager à Rebecca l’ambiance excentrique de la maison du Dr Edwardes, un vieil ami de son père ; et à Paris, ils découvrirent le secret de M. Blanchard, leur logeur, qui, un soir de confidences, et attendri par la passion qui se dégageait de ce couple si jeune et innocent, dévoila pour eux une toile inconnue de Modigliani…
De retour à New York, ils s’étaient installés dans un petit meublé calme au numéro 17 de la 47e rue ; Rebecca avait acheté des oiseaux : un couple d’inséparables, dont la cage tronait devant la petite fenêtre sur cour, et cachait en partie le rideau déchiré et le papier peint flétri…
Ils étaient heureux, alors, et se marièrent en toute simplicité le mois suivant …

Le temps passait, quelque chose avait changé. Rebecca se montrait souvent distraite, elle rentrait tard parfois sans explication… L’aube d’un doute effleurait parfois Marnie, puis il commença à avoir des soupçons ; le poison de la jalousie finit par l’envahir et troubler ses jours et ses nuits .
Epuisé, il décida ce jour-là de rentrer plus tot de son travail…. Pourquoi en montant les 39 marches qui le menaient chez lui sentit-il son cœur pris comme dans un étau ? Pourquoi, alors qu’il s’apprêtait à entrer la clé dans la serrure fut-il pris de sueurs froides ? Il entra brusquement néanmoins, en une sorte de plongeon, pour se délivrer de cette psychose qui l’empêchait de vivre . Il voulait savoir … et il devint l’homme qui en savait trop …
Rebecca était là, en tendre conversation avec l’homme en qui il reconnut l’inconnu du Nord Express qui les avait tant intrigués avec ses anecdotes d’agent secret ; les amants étaient pris au piège …
Marnie, décontenancé, ne savait que dire, comme frappé par la loi du silence, et il ressortit, le visage dur et fermé . Il erra longtemps ce soir-là dans les rues de la ville ; et quand il regagna son logis, celui-ci était vide . Rebecca l’avait quitté, il le savait …
« Le crime était presque parfait » ne cessait-il de se répéter : pourquoi Rebecca avait-elle commis cette maladresse, qui lui avait permis de découvrir sa tromperie ? …. Il la haïssait pour ce « crime », ainsi qu'il appelait la chose, et il se haïssait d’avoir lui-même mis fin à ce qui aurait pu être sauvé de leur relation …
Un matin, il prit sa voiture et partit sur la route, ivre de vitesse, comme s’il avait la mort aux trousses ; il s’arrêta dans un motel vide, donc le jeune veilleur de nuit lui sembla inquiétant, et après quelques heures de repos et la lecture d’un journal à sensation dont la une titrait : « Une femme disparaît », il décida de ne pas y passer la nuit, et repartit.

Il avait dormi dans son automobile garée en bord de route, entre deux champs de maïs . Au petit matin, hébété et courbaturé, il ne savait que faire ; il s’appuya sur le capot de l’auto, et se mit à pleurer. Au loin, il entendait un moteur … pas une voiture, un avion… un avion de tourisme. Le bruit se rapprochait. L’avion passa au-dessus de lui, une fois, deux fois, chaque fois un peu plus bas. Il commença à prendre peur. Il se réfugia dans les cultures et c’est alors que l’avion déchargea une poudre nauséabonde qui devait être de l’engrais, qui l’aveuglait et le faisait tousser … L’avion repassa plusieurs fois. Marnie fut pris de panique, les yeux en feu, haletant et à tâtons dans le nuage de poussière toxique . Il essaya de courir dans les sillons, et il trébuchait à chaque pas ; le bruit de l’avion emplissait ses oreilles de façon terrifiante . Il cherchait dorénavant à regagner la route … Il finit par y parvenir, et se jeta sur la voie, mais, pour son malheur, ( son malheur ?) , il ne vit pas arriver la voiture et le camion qui la suivait de près à grande vitesse …..

« Bordel ! mais c’est quoi ce truc ?…. Coupez ! ! ! » hurla Steven Spielberg dans son mégaphone ….

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